Il y a quelques semaines, les équipes de l'Université Bordeaux Montaigne ont marqué le 50e anniversaire de l’établissement en p...

Redécouverte du Bordeaux des années 1970 vu à travers l’objectif d’un étudiant américain


Il y a quelques semaines, les équipes de l'Université Bordeaux Montaigne ont marqué le 50e anniversaire de l’établissement en publiant des photos soumises par des personnes qui y avaient étudié ou travaillé au fil des ans. Quelques photos envoyées par un certain Steve Owen ont vraiment attiré mon attention et m'ont incité à consulter sa galerie Flickr, où j’ai pu consulter d'autres vues de lieux et de scènes de vie à travers la ville, photographiées par Steve ainsi que par une Patti Larson.

J'ai pensé qu'il pourrait être amusant de retourner sur ces mêmes lieux près de cinquante ans plus tard... et c'est donc précisément ce que j'ai fait sur deux week-ends, après avoir d'abord reçu l’autorisation de Steve de donner cette seconde vie à ses photos… d'où les clichés que vous découvrez ici !

Porte Saint-Éloi / la Grosse Cloche. Le bâtiment tout en courbes à gauche n'existe plus.
La rue Sainte-Catherine, avant sa transformation en zone piétonne, vue depuis la place Saint-Projet.
La vue depuis le haut de la rue Sainte-Catherine.
Lors de nos échanges, Steve a confirmé qu'il avait donc été étudiant à ce qui était alors l'Université Bordeaux III au cours de l'année universitaire 1971-1972, et ce dans le cadre du programme « Education Abroad » de l'Université de Californie. « À cette époque, Bordeaux était le seul endroit en France pour nous étudiants de premier cycle à l’Université de Californie, et nous étions une centaine en tout. Nous avons passé six semaines à Pau pour suivre des cours de français, puis l'année universitaire à Bordeaux. Nous avons suivi les cours classiques en français, bien que l'UC ait dû mettre en place des systèmes d’examens et de notes à part car les deux systèmes étaient assez différents. J'étais étudiant en histoire, et la plupart des cours que j'ai suivis pendant mon séjour à Bordeaux étaient des cours d'histoire, même si j'ai également suivi un cursus d'histoire de l'art qui s'est déroulé dans l'ancienne faculté de médecine, place de la Victoire. »

Qui était alors cette Patti Larson créditée de nombreuses photos, et qui apparaît également sur certains de ces clichés ? « C'était une autre étudiante de Californie, et aussi ma petite amie à partir de la période où nous sommes partis de Pau fin septembre. Nous nous sommes mariés en 1974… et avons ensuite eu deux fils et deux petites-filles ».

Voici Patti et Steve devant l'entrée de la maison située rue Mouneyra où Patti était en location.
Restaurant universitaire / Bordeaux étudiants club, rue de Cursol.
Suite à son année bordelaise, Steve s’est intéressé de près à l'histoire française, matière qui est devenue sa spécialité pour la suite de ses études. Lui et Patti sont revenus en France en 1978-79 et ont passé dix mois, à Paris cette fois-ci, pendant que Steve travaillait dans les archives. « Ma carrière universitaire ne s'est toutefois jamais concrétisée et nous avons tous les deux fini par travailler dans l'administration à l'U.C. Berkeley, et nous sommes partis à la retraite il y a environ neuf ans. » Patti et Steve sont revenus à Bordeaux vers 2005 et « nous avons été impressionnés par la transformation de la ville… ainsi que par la dégradation du campus universitaire ».

Une magnifique R12 en vedette sur la place de la Victoire, où on pouvait apercevoir des panneaux indiquant le chemin vers Agen, Mont-de-Marsan, Pau et Toulouse.
Sensibilisation au code de la route dans le Parc bordelais.
Jour de carnaval à Talence.
Quels sont les souvenirs de Steve de son année à Bordeaux? « J’en garde de très bons souvenirs. Beaucoup de ces souvenirs tournent autour de Patti bien sûr, mais mon séjour bordelais (ainsi que plusieurs semaines passées à Paris à différents moments) a également suscité chez moi une véritable fascination pour la France en général. À l'époque, j'ai été frappé par les différences de perspectives et de styles de vie entre la Californie et la France, donc ce séjour avait un parfum assez exotique. La France et la Californie sont beaucoup plus similaires aujourd'hui, mais je reste toujours fasciné par l’approche des Français envers certaines choses. Quant à Bordeaux, j’y ai passé de bons moments, mais je n'ai pas été trop impressionné par la ville à l'époque. Plus tard, j'ai commencé à apprécier davantage le lieu ; était-ce la force de la nostalgie ou plutôt par le biais de la ville transformée que nous avons découverte lors de notre retour bien plus tard ? En tout cas, nous avons le projet de revenir à nouveau ces prochaines années. »

Patti et Steve, vous serez bien sûr les bienvenus !

Voici à nouveau le reportage photos... mais avec quelques images qui bougent en prime !


> Cliquez ici pour visionner les autres photos bordelaises de Steve Owen dans sa galerie Flickr. D'ailleurs, si vous déroulez la page, vous verrez même une photo de Steve et Patti aujourd'hui !
> Les publications Instagram de l'Université Bordeaux Montaigne sont à retrouver ici et ici.
> Un grand merci à Steve et à Patti d'avoir autorisé l'utilisation de leurs photos dans cet article, ainsi qu'à l'Université Bordeaux Montaigne dont les publications sont à l'origine de la découverte.
> This article is also available in English!

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L'épisode n°12 du podcast Invisible Bordeaux est désormais disponible ! Dans ce numéro nous partons à la rencontre de Jule...

Podcast #12 - Jules Gaubert-Turpin (La Carte des Vins S'Il Vous Plaît, Le Tour du Monde en 80 verres...)


L'épisode n°12 du podcast Invisible Bordeaux est désormais disponible ! Dans ce numéro nous partons à la rencontre de Jules Gaubert-Turpin, le jeune et très charismatique co-auteur - avec son compère Adrien Grant Smith Bianchi - des beaux livres « le Tour du Monde en 80 verres » et « la Carte des Vins S’il Vous Plaît », tous deux disponibles aux éditions Marabout.  

Ensemble nous parlons de cartes, d'affiches, des coulisses de ces deux beaux livres, de vin, de bière... et nous découvrons en ex-clu-si-vité (rien de moins) quel sera le prochain grand projet de Jules, avec son autre compagnon de route, Charlie Garros. On ne vous en dit pas plus mais cela mérite franchement le détour !

Vous pouvez écouter le podcast via le bouton lecture qui doit s'afficher ci-dessous, ou alors sur différentes plates-formes dont Anchor, Apple Podcasts / iTunes, Spotify, Google Podcasts, Breaker, PocketCasts, RadioPublic, Overcast, Podbean, Podcast Addict et Stitcher. N'hésitez pas à vous abonner afin de ne rien rater ! Bonne écoute et n'hésitez pas à dérouler la page pour découvrir tous les liens relatifs à l'univers de Jules, d'Adrien et de Charlie !


Cliquez ici si le lecteur ne s'affiche pas sur votre appareil.

> Le site, la boutique et le blog officiels sont à retrouver ici : www.lacartedesvins-svp.com
> Côté réseaux sociaux, faites un tour sur Instagram, Facebook ou Twitter !
> Nous sommes des récidivistes puisque nous avons déjà longtemps discuté ensemble en 2015 ! L'entretien est à retrouver en cliquant ici

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L'un des premiers billets à être publié sur le blog Invisible Bordeaux après son lancement il y a huit ans fut un article sur le ...

Bordeaux commence à assumer son lourd passé sur la traite négrière


L'un des premiers billets à être publié sur le blog Invisible Bordeaux après son lancement il y a huit ans fut un article sur le buste représentant le leader haïtien Toussaint Louverture, situé sur les quais de Garonne rive droite à Bordeaux. À l'époque, la sculpture était l'une des seules reconnaissances visibles dans le domaine public du passé de la ville liée à la traite négrière. Mais les temps changent et Bordeaux devient progressivement plus transparent quant à cet héritage si lourd à porter.


Car, oui, entre 1672 et 1837, Bordeaux était le point de départ d'environ 500 voyages « triangulaires » de traite négrière qui entrainèrent la déportation de 150 000 Africains, voire davantage, vers les Amériques. Bordeaux était loin d'être la seule ville impliquée. En France - qui se classe aux côtés de l'Espagne derrière la Grande-Bretagne et le Portugal en termes d'ampleur de la traite négrière - la ville de Nantes organisa 1 744 expéditions, et les ports de La Rochelle et du Havre opérèrent à des échelles similaires à Bordeaux.

Avant le début des voyages triangulaires (qui culminèrent dans les années 1780), les bateaux au départ de Bordeaux effectuaient un simple commerce bilatéral avec les Caraïbes. Les bateaux transportaient alors du vin, de l'huile et de la farine, tous échangés contre des produits locaux. Avec le début du commerce triangulaire, les navires partaient de Bordeaux chargés de denrées alimentaires, de tissus, d'armes et de bibelots qui, à leur arrivée sur la côte orientale d'Afrique six à huit semaines plus tard, étaient échangés contre des esclaves. Lors de la deuxième et dangereuse étape, dite passage du milieu, les esclaves étaient transportés dans des conditions inhumaines vers les colonies, principalement Saint-Domingue (désormais Haïti) en ce qui concerne les navires bordelais. Le taux de mortalité à bord des bateaux se situait entre 10 et 20 %.

Panneau récemment installé square Toussaint-Louverture.
À leur arrivée, les esclaves survivants étaient vendus ou mis aux enchères puis travaillaient dans les plantations où l'espérance de vie moyenne était de cinq à six ans. Pendant ce temps, les bateaux repartaient direction Bordeaux, transportant du sucre, du cacao, du tabac, du coton et d'autres produits, contribuant ainsi de manière conséquente à la richesse de la ville.

Jusqu'au milieu des années 1990, ce chapitre de l'histoire de la ville fut le plus souvent passé sous silence, mais au tournant du millénaire, Bordeaux fit quelques timides premiers pas pour que le sujet devienne plus visible. En 2006, le maire de l’époque, Hugues Martin, inaugura une plaque installée au niveau du sol sur les quais face au bâtiment de la Bourse Maritime. Puis, en 2009, une salle dédiée à la traite négrière fut intégrée au parcours permanent du Musée d’Aquitaine. Quant au buste de Toussaint Louverture, sculpté par l'artiste haïtien Ludovic Booz (décédé en 2015), il fut offert à la ville par la République d'Haïti en 2005.


Revenant sur place aujourd'hui, je constate que ce qui était auparavant un socle solitaire et isolé est désormais entouré d'un espace aménagé qui met en valeur la statue. Symbole fort, le « square » représente en fait un triangle. Au niveau du sol, des panneaux informatifs expliquent qui était Toussaint Louverture et son lien avec la ville (histoire détaillée dans le précédent article Invisible Bordeaux) et donnent un bref aperçu du rôle de Bordeaux dans l'histoire de la traite négrière en France.

Le square triangulaire.
Sur les quais rive gauche, la précédente plaque à peine visible fut remplacée en 2019 par une statue émouvante créée par un autre sculpteur haïtien, Filipo (nom complet : Woodly Caymitte), qui représente l'esclave Modeste Testas. Le panneau d'information qui l'accompagne explique son parcours hors de l'ordinaire : née Al Pouessi en Afrique de l'Est en 1765 et capturée lorsqu'elle était jeune, elle fut achetée vers 1780 par deux frères bordelais, Pierre et François Testas, qui possédaient une entreprise à Bordeaux et une plantation à Saint-Domingue.


Pouessi fut déportée et travailla sur leur plantation, devenant par la suite l'esclave et la concubine du propriétaire François Testas, qui la baptisa alors Marthe Adélaïde Modeste Testas. Après la mort de François, elle fut libérée (acte symbolisé par les chaînes brisées au pied de la statue) et Testas lui légua un terrain important. Elle épousa par la suite un autre ancien esclave et décéda en 1870 à l'âge de 105 ans. Les années suivantes, son petit-fils François Denys Légitime devint président d'Haïti.

Enfin, le dernier ajout au paysage bordelais fut inauguré en décembre 2019 pour marquer la Journée internationale pour l'abolition de l'esclavage, sous la forme de « Strange Fruit », une sculpture rappelant un arbre, signée par l'artiste réunionnaise Sandrine Plante-Rougeol. Les trois branches de l’arbre font elles aussi écho à la notion « triangulaire » ; chacune porte un cerceau de baril de vin contenant une tête d’homme. Les trois visages ont les yeux bandés suggérant une perte d'identité ; ils symbolisent respectivement la peur, la douleur et l'abandon.


Ce même jour de décembre 2019, Bordeaux annonça que des panneaux explicatifs allaient être apposés dans les rues dont les noms renvoient aux armateurs, commerçants et marins impliqués dans la traite des esclaves, une réponse en forme de compromis à des années de lobbying par diverses associations (en particulier Mémoires et Partages) demandant que ces rues soient débaptisées. Chaque panneau fournit ainsi un aperçu concis et factuel du contexte, compilé par les équipes du service des archives de la ville. Le déploiement initial concerne six rues ou places (voir note de bas de page) mais, lors de la préparation de cet article, j'ai parcouru les différents emplacements et à ce jour (février 2020), les panneaux n'ont pas encore été installés.

Des noms de rue en attente de panneaux explicatifs.
Quoi qu'il en soit, l'héritage de traite négrière de la ville n'est plus le sujet tabou qu'il était autrefois, et il sera intéressant de voir quelles nouvelles évolutions seront observées au cours des années 2020. Sera-t-on témoin d'avancées similaires sur ce triste chapitre de la Seconde Guerre mondiale, l'autre grand tabou bordelais ? Seul le temps nous le dira…

> Localiser sur la carte Invisible Bordeaux : statue Toussaint Louverture, Quai des Queyries; statue Modeste Testas, Quai Louis XVIII ; sculpture Strange Fruit, jardin de l'Hôtel de Ville, Bordeaux.
> Les six premiers panneaux informatifs seront installés rue Desse, rue David-Gradis, rue Grammont, passage Feger, cours Journu-Auber et place Mareilhac. 
> Voir cet article  Sud Ouest pour en savoir plus et cet article France Bleu Gironde pour voir à quoi ressemblent ces panneaux (avec une faute d'orthographe en ce qui concerne la rue Grammont). 
> This article is also available in English.

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Le Bordeaux Invisible est tombé sur ces sympathiques vues aériennes de Bordeaux dans les années 1950-60. Les allées de Tourny, le Triang...

Vue aériennes de Bordeaux des années 1950-60


Le Bordeaux Invisible est tombé sur ces sympathiques vues aériennes de Bordeaux dans les années 1950-60. Les allées de Tourny, le Triangle d’Or, Place Gambetta, le Jardin Public et la Cité de la Benauge, le tout depuis des perspectives inhabituelles ! Déroulez la page pour voir chaque photo de plus près !

Tout d'abord, les allées de Tourny, dotée encore de ses fontaines et sa statue Gambetta. En bas à droite : l’ancien marché des Grands-Hommes. Les voitures ont encore la possibilité de se garer sur la place de la Comédie ! Une modeste manifestation est en cours sur la place des Quinconces, ou alors est peut-être en cours de montage ou démontage. Les quais sont le territoire de grues et de hangars. Rive droite, la gare d’Orléans est encore relié au réseau de chemins de fer et la toute jeune Caserne des Pompiers de la Benauge est en place. Le pont Saint-Jean ne viendra se positionner entre le pont de Pierre et le pont Eiffel que quelques années plus tard !

Photo : éditions aériennes Combier (Macon).
Le Triangle d’Or, avec la rencontre en « V » des cours Clémenceau et de l’Intendance. On devine facilement le nom du « Petit Paris », bâtiment blanc en bas, le « Français » du cinéma que l’on connaît encore, ainsi que l’ancien marché des Grands-Hommes. Au fond, notez l’alignement des grues sur les quais et, rive droite, le bâtiment des Grands Moulins de Paris qui est encore fidèle au poste plus de 60 ans plus tard ! 

Photo : éditions Lapie (Saint-Maur).
Voici la place Gambetta, depuis le sud, où on remarque l’alignement de la rue du Dr Charles Nancel Penard (ou rue Dauphine jusqu’en 1946) et le cours Georges-Clémenceau.

Photo : éditions Lapie (Saint-Maur).
Autre vue de la place Gambetta (avec ses quelques voitures et un seul autobus), regardant en direction du cours Georges-Clémenceau et le Jardin Public.

Photo : éditions Lapie (Saint-Maur).
Voici le Jardin Public, vu depuis le nord-ouest, avec notamment au premier plan les bâtiments (et cour intérieure) du lycée Montesquieu (précédemment lycée Longchamps). 

Photo : édition Renaud & Buzaud (Bordeaux), cliché P. R. Larrey/Delboy.
Enfin, la cité de la Benauge, grande réalisation des années 1950 avec notamment, à gauche et au milieu, les tours et résidences de la cité Pinçon, au milieu le « rond des Mamans », en bas la salle des sports Jean Dauguet, en haut à gauche l’école élémentaire Benauge et, en haut à droite, le stade Galin (la piscine n’existe pas encore à cette époque).

Photo : Chatagneau (Bordeaux), cliché Herlec – Libourne, opérateur M. Le Collen/Elcé.
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