Il y a quelques semaines je m’amusais une nouvelle fois à superposer de vieilles cartes postales sur les panoramas d'aujourd’hui. Le...

Lodoïs Lataste, son ode à Bordeaux (et son hymne à la Mutualité)


Il y a quelques semaines je m’amusais une nouvelle fois à superposer de vieilles cartes postales sur les panoramas d'aujourd’hui. Le cliché ci-dessus du Jardin Public fait le trait d’union entre le Bordeaux du début du 20e siècle et la ville moderne. On y devine quelques vers, extraits d’une « Ode à Bordeaux » signée par Lodoïs Lataste. Mais qui était ce Lodoïs Lataste et quid de son ode au port de la lune ?

Selon différentes sources, au fil des années Lodoïs Lataste, né à Bordeaux en 1842 (mort en 1923), aurait été président d’une société de secours mutuel de Bègles, secrétaire général adjoint du syndicat de la presse mutualiste française, mais aussi, à Paris, chef du service des procès-verbaux et de l'expédition des lois de la Chambre des députés (rien de moins). Mais Lataste était également auteur-compositeur : auteur notamment dès 1866 des paroles de « Le rêve de l’orphelin », ou signant les paroles et la musique de « Fontainebleau ! » en 1888, ou encore de « Les deux sœurs », des strophes patriotiques à la gloire des liens unissant la France et la Russie (1894).  

Mais on doit surtout à Lodoïs Lataste son « Hymne à la Mutualité » (1904), à savoir une marche chantée arrangée en pas redoublé militaire. Selon le site internet Musée de la Mutualité française, l’hymne était un « morceau de bravoure patriotique à tous les sens du terme ; le Général André, ministre de la Guerre, le faisant jouer dans des défilés militaires, son hymne s’affirme comme un acte pédagogique en faveur de la doctrine réformatrice de la mutualité. » Lataste gagna ainsi un nouveau surnom et devint le « Rouget de l'Isle de la Mutualité », en référence à son homologue compositeur de la Marseillaise.

En cherchant davantage d’informations sur cette « Marseillaise de la Mutualité », je suis tombé sur un blog animé par un certain JC Togrege et son récit de la découverte d’une partition de l’Hymne à la Mutualité parmi des centaines de partitions ayant appartenu à ses parents. JC Togrege précise que « Au total, il y a six couplets dans lesquels apparaissent les mots suivants : liberté, classes prolétaires, retraites ouvrières, bonheur social, prévoyance, etc. » et ajoute que « l'on peut sourire devant ce style largement ampoulé, mais ne rions pas devant les valeurs qui y sont proclamées.  Rappelons-nous que la Sécurité Sociale ne date que de 1945 ! Avant cette date, la protection sociale était du domaine des mutualistes, d'abord à travers les sociétés de secours mutuel qui furent les ancêtres des mutuelles. »

Cette partition datant de 1905 a droit à son article dédié du côté du blog les Chroniques de JC Togrege (article dont la lecture est vivement recommandée !).
Et cette « Ode à Bordeaux », alors ? L’extrait qui figure sur ma carte postale (datant de 1913) est, fort logiquement, un couplet à la gloire du Jardin Public (lieu dont le nom rime donc avec celui du peintre et graveur baroque flamand Antoine Van Dyck…) :

Un ravissant Éden où coule une rivière
Près des lilas en fleurs, c'est le Jardin Public.
On y voit des babys jouant sous l’ombrière,
À tenter le pinceau d’un Greuze ou d’un Van Dyck.

Source : mistercard.net
Grâce à la magie du web, j’ai pu trouver deux autres cartes postales mettant aussi à l’honneur l’hommage de Lataste à sa ville natale. D’abord son analyse de la statue Tourny :

Ce joli monument consacre la Mémoire
D’un Maire de Bordeaux, l’Intendant de Tourny.
La splendeur de nos quais est entière à sa gloire,
Il sert toujours d’exemple aux Maires d’aujourd’hui.

Et puis le « pont de fer », connu aujourd’hui sous le nom de passerelle Eiffel :

Salut beau Viaduc, jeté sur la Garonne
Imposant et léger ainsi qu'un arc-en-ciel !
Celui qui te conçut a parfait sa couronne
En créant à Paris la belle Tour Eiffel !

Voilà donc trois couplets de ce poème lyrique, mais combien de strophes et de rimes douteuses manquent encore à l’appel ? Dans la littérature grecque, une ode se composait traditionnellement de sept strophes… si Lataste était fidèle à cette règle, quels sont les quatre autres lieux emblématiques de la ville qui avaient été immortalisés ? N’ayant pas pour l’instant retrouvé le texte complet, le mystère demeure entier. Peut-être saurez-vous m’aider à aller plus loin afin de reconstruire l’ « Ode à Bordeaux » de Lodoïs Lataste, le « Rouget de l'Isle de la Mutualité » ?...

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Cette histoire commence dans la dépendance du jardin d'une collègue qui, plus tôt cette année, était occupée à faire des travaux da...

À la recherche du jeune garçon sur la vieille photo


Cette histoire commence dans la dépendance du jardin d'une collègue qui, plus tôt cette année, était occupée à faire des travaux dans cette propriété située dans le quartier Caudéran de Bordeaux où elle s'installa en 2017. Elle tomba sur une petite boîte métallique de pellicule photo 35 mm Kodak Plus-X. Sur le couvercle, il était précisé que le film devait être développé avant le mois d'octobre 1955. Elle ouvrit la boîte et y trouva un long rouleau de négatifs.


Sa réaction naturelle fut de se rendre dans un magasin de photo situé à proximité pour convertir les négatifs en fichiers numériques. La pellicule révéla ainsi 51 images inespérées : des photos de famille à la maison, en pique-nique ou en mode détente à la plage d'Arcachon, des clichés de Caudéran et de Mérignac couvertes de neige épaisse, ou encore ce qui semblait être une fête d'anniversaire d’enfant. Il y avait aussi beaucoup de voitures et d'animaux de compagnie !
Lorsque ma collègue nous présenta ses découvertes inattendues, je compris immédiatement que le sujet était potentiellement intéressant pour Invisible Bordeaux. Et quand elle nous montra la magnifique scène (ci-dessous) digne de Robert Doisneau, représentant un enfant et un adulte assis sur le pare-chocs d'une voiture, je compris que le défi logique consistait à retrouver cet enfant 65 ans plus tard ! Où pourrait-il être et par où pouvions-nous commencer?


Les précédents propriétaires de la maison à Caudéran l’avaient acquise en 2000. Les documents associés indiquaient que les vendeurs étaient alors une Jacqueline D. et ses deux enfants, Jean-Claude D. (né en 1948 à Talence, habitant alors à Draguignan, dans le Var) et Christine Marie D. (née en 1956 à Bordeaux, résidant à Louviers, dans l’Eure). En croisant ces informations avec les photos, l’un des personnages récurrents était ce petit garçon, y compris les deux photos d'une fête d'anniversaire où le gâteau arborait sept bougies. Il y avait donc de bonnes chances que ce petit garçon soit Jean-Claude qui, avec le temps, aurait sans doute hérité de la propriété.

Je rêvais instantanément de déclencher une recherche massive sur les réseaux sociaux, mais j’ai d’abord privilégié les bonnes vieilles Pages Blanches (du moins la déclinaison en ligne !) et ai rapidement trouvé un Jean-Claude D. domicilié dans une commune à une trentaine de kilomètres de Draguignan. J’ai tout de suite envoyé un message pour expliquer les raisons de ma prise de contact. Plus tard dans la même journée, mon téléphone sonna et c’était un certain Stéphane D. à l’appareil, me confirmant qu’il s’agissait bien de son père, Jean-Claude, sur les photos.

Cette vue du front de mer d'Arcachon en 1955 figure parmi les photos découvertes 64 ans plus tard !
Il m’expliqua que la maison appartenait à l’origine aux arrière-grands-parents de Stéphane (à savoir, les grands-parents de Jean-Claude) et que Stéphane avait lui-même de bons souvenirs d’enfance de la maison et de ses environs. Dans les années 1950, le jeune Jean-Claude passait ainsi ses vacances là-bas avec ses parents. Son père, photographe amateur passionné, captura ces scènes de la vie ordinaire. Je promis d'envoyer à Stéphane les photos qu'il montrerait ensuite à son père. Après avoir « zippé » les fameux fichiers, l'affaire fut conclue !

Le lendemain, mon téléphone sonna à nouveau. Cette fois-ci c’était Jean-Claude himself en ligne depuis le sud-est de la France. Il était ravi de ce paquet surprise et de la découverte de ces photos près de 65 ans plus tard. Nous établîmes rapidement que l'endroit où la boîte fut trouvée était autrefois l'emplacement de la chambre noire où son père développait ses propres photos. En regardant les images, la plupart des visages lui étaient familiers et Jean-Claude avait reconnu des amis de la famille, des oncles et des tantes, sans oublier quelques cousins ​​à ses côtés dans les photos immortalisant la fête de ses sept ans ! 

Les sept ans de Jean-Claude en octobre 1955 ! Admirez également le beau poste radio en arrière-plan.
Jean-Claude précisa que les images de Caudéran sous la neige ont été prises à l'hiver 1956, l'un des épisodes les plus froids jamais enregistrés en France et dans la majeure partie de l'Europe occidentale. Quant à la photo d’un nouveau-né, il s’agissait de sa sœur Christine, dans les bras de leur oncle et de leur tante. 


Enfin, la photo qui avait déclenché la quête était celle de lui avec un ami de son père, une personne dont il se souvenait comme étant le « clown de service » et qui, en examinant de plus près la photo, était en train de déguster une énorme glace ! La voiture derrière eux était une Renault 4CV. Bien sûr, pour que cette mission soit réellement accomplie, j’aurais souhaité boucler la boucle avec une photo de Jean-Claude dans une situation similaire. Je demandai donc un remake 2019 de cette image qui était restée cachée pendant toutes ces années et espère rajouter cette photo supplémentaire dès qu’elle sera disponible !

Voilà donc comment la découverte d'une vieille pellicule photo déclencha cette mini-enquête amusante ! Une dernière pensée : maintenant que nous sommes en pleine ère numérique, les générations futures se lanceront-elles dans des quêtes similaires après avoir déniché de vieilles clés USB ou cartes mémoire ? Les données numériques survivront-elles aussi longtemps que ces négatifs ? Nous verrons dans soixante ans… alors, en guise de clin d’œil au célèbre tube Disco 2000 du groupe Pulp, retrouvons-nous en 2080 !

> Un grand merci à Agnès d'avoir partagé ces photos, et à Stéphane et à Jean-Claude pour toutes les informations complémentaires ! 
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