Au commencement il y avait cette publicité datant de 1895 repérée par mon ami Adam du site Invisible Paris . Cette réclame mettait en av...

L'étrange histoire des moines bénédictins, du sable, des os de seiche et du dentifrice


Au commencement il y avait cette publicité datant de 1895 repérée par mon ami Adam du site Invisible Paris. Cette réclame mettait en avant les « Dentifrices des RR. PP. Bénédictins de l’Abbaye de Soulac (Gironde) », dont la distribution était assurée par un établissement bordelais, Seguin. Mais en creusant, il fut difficile d’identifier la frontière entre vérité et marketing version 19e siècle !  

Voici d’abord les faits : fondée en 1807, le cœur de métier de la société Seguin était initialement la production d’alcools puis dans un second temps, une gamme de produits vendus en pharmacie ou parfumerie. C’est à la fin du 19e siècle que Seguin se lança dans la production et la distribution de produits pour les soins buccaux, à savoir bains de bouche (pardon, « élixir »), poudres et pâtes, à savoir l’ancêtre de nos dentifrices.

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Mai 1968 fut un mois agité qui sera considéré à jamais comme un tournant dans l’histoire de la France. Le mouvement démarra en Île-de-...

La nuit des barricades de mai 1968 et le champ de bataille de Bordeaux


Mai 1968 fut un mois agité qui sera considéré à jamais comme un tournant dans l’histoire de la France. Le mouvement démarra en Île-de-France mais se diffusa rapidement dans tout le pays. La ville de Bordeaux connut, à son tour, des moments particulièrement forts la nuit du samedi 25 mai, ponctuée de confrontations violentes.

Grâce à l’aide précieuse de Marjorie Michel, journaliste et documentaliste à Sud Ouest, j’ai pu parcourir les articles que Sud Ouest a consacré à cette « nuit des barricades » et ai cherché à reconstruire le déroulé des événements, tout en retournant sur les lieux qui sont bien plus calmes ces jours-ci !
Mais avant de se focaliser sur les événements qui ont secoué Bordeaux, rappelons le contexte à travers le pays. Le mouvement démarra dans des amphithéâtres universitaires, occupés par des étudiants qui manifestaient contre le capitalisme, le consumérisme, les institutions historiques et le régime politique en place. Les étudiants furent vite rejoints par des salariés de tous les secteurs d’activité, qui avaient pour revendications des hausses de salaires, de meilleures conditions de travail et une plus grande autonomie.

L'un des leaders du mouvement
des étudiants, Daniel Cohn-Bendit,
est désormais un personnage
politique connu. Source : Wikipédia
Résultat : d’importantes tensions entre le camp des étudiants, des travailleurs et des syndicats, et le camp des autorités de l’Etat. La France entière fut totalement paralysée par de nombreuses occupations et par une grève générale d’une durée de deux semaines. Les différents secteurs d’activité obtinrent des concessions dans le cadre de négociations entre syndicats et les autorités. Le président De Gaulle finit par dissoudre l’Assemblée nationale en appelant de nouvelles élections parlementaires au mois de juin. La violence s’estompa, les travailleurs se remirent au travail et, paradoxalement, le parti Gaulliste revint plus fort que jamais.

À Bordeaux, chaque jour Sud Ouest dédia des pages entières à « l’évolution de la crise » avec les dernières nouvelles des grèves par secteur : banques, distribution, textile, éducation, sécurité sociale, chauffeurs de taxi, ingénieurs aéronautiques de l’usine Dassault… chacun avait ses propres revendications et, en attendant une issue, le journal se devait de rappeler qu’« on trouvera encore aujourd’hui les grands magasins fermés, des postes d’essence non approvisionnés, des bureau de tabac ne distribuant qu’un seul paquet de cigarettes, des rues encombrées de poubelles » !

Ce fut dans ce contexte que le syndicat d’étudiants UNEF appela à manifester le samedi 25 mai. La ville était déjà fébrile : deux jours auparavant des altercations eurent lieu entre mélomanes et un groupe de manifestants qui occupaient le foyer du Grand-Théâtre ; la veille c’est sur le cours de l’Intendance que des bagarres éclatèrent.

Entre quatre et cinq milles personnes – étudiants et travailleurs – se retrouvèrent sur la place Saint-Michel vers 17 heures. L’ambiance était calme, de nombreux enfants étaient dans le cortège, le soleil était de la partie et les banderoles étaient brandies avec fierté. La foule avança jusqu’à la place de la Comédie puis la place Gambetta avant de se diriger vers la place Pey-Berland où elle s’arrêta, tel un symbole, devant le palais Rohan, l’hôtel de ville de Bordeaux. Il était à présent 19h15.
Les premiers heurts ont éclaté devant le palais Rohan ; les CRS ont attaqué les manifestants en descendant précipitamment la rue des Remparts. La photo en haut à droite (source: sudouest.fr) fut prise par Vincent Olivar, lui-même blessé lors des affrontements. En bas à droite : la même vue aujourd'hui.
Quelques manifestants escaladèrent les murs du palais Rohan afin d’attacher des banderoles aux portails et aux grilles, alors que d’autres se mirent à secouer violemment la porte monumentale de la mairie. La riposte fut quasi-instantanée : une compagnie de CRS, armée de bâtons et de gaz lacrymogène, descendit à toute vitesse la rue des Remparts vers la foule. S’ensuivirent des scènes violentes et les manifestants se dispersèrent rapidement dans différentes directions. La plupart des manifestants se rabattit naturellement vers le cours Pasteur et l’immeuble de la Faculté de lettres, mieux connu aujourd’hui pour sa fonction actuelle : le musée d’Aquitaine.
La Faculté de lettres, devenue le Musée d'Aquitaine. À droite, des chaînes humaines déplacent des pavés (source: ina.fr). Au fond on devine la devanture d'un magasin de déguisements, que l'on voit plus clairement dans la photo récente en bas à droite.
De nombreux manifestants prirent refuge dans le bâtiment alors que les forces de l’ordre cherchèrent à neutraliser les axes autour. Afin de les freiner, les manifestants les devancèrent et installèrent leurs premières barricades en utilisant tout ce qu’ils pouvaient trouver (celle de la rue Maréchal-Joffre étaient constituée d’éléments de baraques d’une foire aux jambons !). Les premiers pavés furent arrachés de la chaussée et véhiculés par des chaînes humaines vers des points stratégiques, avant d’être lancés sur les forces de l’or depuis la rue, ou depuis les étages et le toit de la faculté de Lettres. Les personnes blessées furent évacuées vers le café des Arts sur le cours Victor-Hugo, transformé pour l’occasion en poste de secours.

Cours Victor-Hugo : le café des Arts, poste de secours lors de la nuit des barricades ; et le parking qui est devenu le deuxième grand point chaud de la soirée.
D’autres barricades prirent forme, bloquant ainsi l’accès depuis la place de la Victoire (où il y avait une importante présence policière), à divers points sur la rue Sainte-Catherine, ainsi que sur le cours Victor-Hugo près du parking / marché couvert. Des CRS s’approchèrent du parking mais furent bombardés de pavés et de projectiles depuis les niveaux supérieurs du bâtiment. Il était 21h30. 

Retour au cours Pasteur où un trafic inhabituel était en cours : depuis le bâtiment on transporta chaises et bureaux qui allaient s’entasser sur les barricades, tandis qu’on amena depuis la rue vers le bâtiment des pavés qui serviront de munitions. La faculté ressemblait désormais à une scène de guerre avec ses pavés éparpillés sur chaque mètre carré ; au rez-de-chaussée l’air devint irrespirable à cause des gaz lacrymogènes dont l’effet fut peu atténué par les seaux d’eau déversés par terre. Enfin, événement insolite, dans un amphithéâtre une fille joua quelques valses de Chopin sur un piano pour un public restreint. Pendant ce temps-là, les pavés continuèrent à tomber sur les forces de l’ordre.   

Carte permettant de localiser les grands événements et les points chauds de la soirée, créée à partir d'un plan similaire publié dans le Sud Ouest daté du 27 mai 1968.
À une heure du matin, de véritables négociations démarrèrent enfin entre porte-paroles des étudiants et représentants de la Préfecture et du Conseil général. Il s’ensuivit une trêve : les étudiants étaient prêts à abandonner les barricades, la Faculté de lettres et le parking si, en même temps, les CRS s’engageaient à s’en éloigner. Les policiers s’effacèrent en créant ainsi un « no man’s land » permettant de donner ces instructions aux manifestants. Par petits paquets, les occupants de la faculté et du parking quittèrent les lieux sans encombre. 

Quelques ultimes combats éclatèrent alors sur la place de la Victoire, où un dernier groupe compact de manifestants s’opposa à des CRS. Ce fut le dernier affrontement de cette nuit des barricades qui démarra huit heures plus tôt sur la place Pey-Berland. En tout, on compta 109 blessés (40 manifestants, 69 membres des forces de l’ordre) mais aucun blessé grave. Quatre-vingt-dix manifestants furent arrêtés au cours de la soirée. 
     
Le jour d'après : le maire Jacques Chaban-Delmas devant la barricade de la rue Paul-Bert (source : sudouest.fr), et le même panorama aujourd'hui.

Le lendemain, jour de la fête des mères, une étrange ambiance régna dans la ville. Comme le rappela Sud Ouest, « privés de sport, d’essence et de TV, les Bordelais ont passé leur dimanche sur les champs de bataille », à échanger autour des événements de la veille. Ils découvrirent des barricades à moitié brûlées, les fenêtres brisées de la faculté de Lettres, ou encore des ouvriers occupés à réinstaller des pavés dans les chaussées.  

Le lundi 27 mai, le maire Jacques Chaban-Delmas signa une déclaration publiée en première page du journal. Il déplora notamment la manière de laquelle « Bordeaux s’est tristement signalée à l’attention publique ». Il souligna aussi combien la manifestation pacifique fut « dénaturée au cours de son déroulement par des individus n’ayant rien à faire avec l’Université ni même avec Bordeaux […]. Une fois de plus, des meneurs irresponsables, mais non pas inconscients, ont abusé de l’ardeur et de l’enthousiasme de la plupart des jeunes ». Les représentants des étudiants ont, eux aussi, condamné « la minorité anarchiste et irresponsable » qui a exploité la manifestation.

La demeure de Catherine Grenier
sur le cours d'Albret.
Bordeaux, tout comme la France, se releva progressivement. Mais le mardi 28 mai Sud Ouest relata l’histoire d’une personne qui ne se releva jamais de la nuit des barricades : « Mme Catherine Grenier, âgée de 79 ans, et demeurant 77, cours d’Albret, a été découverte hier matin, par une voisine, gisant dans sa chambre. Cette voisine l’avait rencontrée pour la dernière fois dans la matinée de dimanche. Elle lui avait déclaré qu’elle avait été très affectée par les manifestations qui se sont déroulées non loin de ses fenêtres. » Mme Grenier était-elle ainsi une victime indirecte de cette fameuse nuit des barricades ? 

> Ce récit de la nuit des barricades est principalement basé sur un long reportage publié par Sud Ouest (dans son édition du 27 mai 1968) qui s’articule autour des témoignages des journalistes François Latappy, J-C Maingot, Gérard Fiquemont, Maurice Fauré, Christian Morron, Claude Jouanny, Jacques Sylvain, Pierre Petit and Bernard Abbadie. 
> Un grand merci à Marjorie Michel du journal Sud Ouest pour son soutien sur ce projet. 
> This article is also available in English! 
> Quelques images de cette soirée agitée figurent sur le site internet INA. La photo en haut de l'article et la vue de la chaîne humaine sur le cours Pasteur sont des captures prises de ce court reportage (cliquez ici en cas de problème d'affichage sur votre appareil) :

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