Dans les quartiers nord de Bordeaux, près de l'endroit où la cité des Aubiers a été construite dans les années 1970, trois éléments du p...

Le pont, le terrain vague et le toboggan : le visage évolutif des quartiers nord de Bordeaux


Dans les quartiers nord de Bordeaux, près de l'endroit où la cité des Aubiers a été construite dans les années 1970, trois éléments du paysage montrent à quel point la ville a évolué et continue d'évoluer, mais démontrent également que certaines solutions temporaires s'avèrent bien plus durables que prévu. C'est l'histoire d'un pont, d'un terrain vague et d'un toboggan (ou autopont), correspondant aux trois zones identifiées dans la photo aérienne ci-dessus, datant de 1984.
 

Le pont

Le pont en question est le pont de Cracovie. Ce pont a été ouvert en 1967 pour faire face à un afflux de trafic entrant dans Bordeaux par le nord, suite à la mise en place du tout nouveau Pont d'Aquitaine permettant de traverser la Garonne depuis Lormont, connectant ainsi le trafic routier arrivant de l'autoroute A10 aux premiers tronçons de la Rocade.

S'il était fort logique de créer cette voie d'accès à Bordeaux, il y avait un obstacle à franchir : une ligne ferroviaire de fret qui permettait de relier le quartier portuaire des bassins à flot à la gare Saint-Jean, au sud de la ville. Pour passer d'un côté à l'autre, un pont routier sans prétention a donc été livré : voici donc venir le pont de Cracovie..

L'arrêt de tram Cracovie se trouve là où se situait jadis le pont.

Enfin, un pont, c'est bien, mais s'il était synonyme d'accessibilité pour les uns, il est devenu une barrière physique pour les autres. Pour les premiers habitants de la cité des Aubiers, le pont a ajouté au sentiment d'isolement avant que d'autres projets immobiliers ne prennent forme aux alentours. Ils étaient physiquement coupés du reste de la ville, desservis par une seule ligne de bus. Si on avait le malheur de rater le dernier bus pour rentrer chez soi, il n'y avait pas d'autre alternative que de passer sous le pont à pied, en traversant la voie ferrée, et de s'aventurer dans un environnement dangereux et inhospitalier. 

 

Le pont a finalement été démoli en 2006 pour faire place aux rails du nouveau réseau de tramway, qui a été installé au niveau du sol, l'utilisation de la ligne ferroviaire de fret ayant cessé dans l'intervalle. L'arrêt de tramway qui en résulte a été baptisé « Cracovie ». La chute du pont a été une révélation pour certains. Dans une vidéo qui retrace l'histoire du domaine des Aubiers, un témoin définit le pont comme « une frontière… Dès qu’on a cassé le pont, comme par hasard il y avait Bruges comme si c’était chez nous, à côté, ou le Grand Parc, alors que le pont, c’était bizarre, le pont posait des problèmes. « Laisse tomber, c’est loin Bruges », alors que c’est à côté ! Le pont nous a marqués. »


La démolition du pont en 2006. Cette photo ainsi que la première du pont tirée d'une vidéo Bordeaux Ma Ville sur Dailymotion.

Ces clichés aériens (à retrouver sur le site IGN Remonter Le Temps) datent de 1961, 1965, 1976 et 2012. Le pont de Cracovie est visible sur la photo de 1965, mais n'était pas encore en service. La cité des Aubiers est visible sur la photo des années 1970. Sur la photo de 2012, le pont a fait place au réseau de tramway. Voir aussi la compilation vidéo de ces photos et d'autres à la fin de l'article !

Le terrain vague


Les habitants des Aubiers étaient également enfermés par les vastes voies de garage qui s'étendaient le long de leurs bâtiments. Des photos aériennes montrent que ces rails ont été définitivement retirés vers 2010, mais rien n'a immédiatement pris leur place sur ce terrain qui comprend officiellement deux parcelles, l'une appartenant à Bordeaux Métropole, l'autre au Port de Bordeaux.
 

Ces dernières années, le terrain s'est progressivement transformé en un bidonville de migrants composé de logements de fortune construits par des Roms roumains et bulgares. Au début de l'année 2021, on estimait à jusqu'à 400 le nombre de personnes qui logeaient sur le site, et au fil du temps, la tension est montée entre les habitants du bidonville et leurs voisins des Aubiers. Selon divers récits cela serait principalement dû à la musique et aux nuisances sonores à toute heure, mais aussi à la fumée et aux odeurs causées par la combustion du revêtement plastique des fils électriques pour récupérer le cuivre..


À la fin de l'année 2021, le bidonville a été définitivement évacué suite à une série d'incendies résultant des tensions entre migrants et riverains. À l'heure où nous écrivons ces lignes, la quantité de débris qui subsiste sur le site demeure impressionnante : voitures et camions éventrées, caddies de supermarché, restes de caravanes, de meubles en plastique, etc. Mais il y a aussi un permis de construire annonçant ce qui va suivre, à savoir deux immeubles de bureaux et un parking. Ces nouveaux locaux devraient accueillir les bureaux de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la Gironde et une école du cirque. 


Le toboggan


À l'extrémité est de la future ancienne friche, l’on peut découvrir une structure qui ne figurera jamais sur une liste des incontournables touristiques à Bordeaux, et pourtant sa survie au fil des décennies mérite bien qu'on lui consacre quelques paragraphes sur le blog Invisible Bordeaux. Nous vous présentons l'autopont de Latule ! (Ou encore le VMD Latule, pour viaduc métallique démontable, pour les puristes !)
 

Il s'agit là encore d'un pur produit de l’expansion de Bordeaux vers le nord, et de la nécessité, au début des années 1970, de faciliter et fluidifier la circulation automobile depuis le centre de Bordeaux et ses boulevards vers la Rocade, ou encore les nouveaux complexes commerciaux, hôteliers et d'exposition du quartier Bordeaux-Lac. En ce point stratégique où  plusieurs grands axes se rejoignent, ce viaduc alors futuriste a ainsi été installé en 1973 (ouverture à la circulation le samedi 10 novembre 1973 selon Frederick Llorens dans son excellent ouvrage 'L'automobile à Bordeaux')... il aura donc bientôt 50 ans !
 

La structure métallique à voie unique mesure 254 mètres de long, 3,5 mètres de large et se compose de 13 travées dont les longueurs varient entre 12 et 30 mètres. Conçu à l'origine pour une utilisation de courte durée, il doit faire l'objet de travaux d'entretien réguliers, ce qui lui vaut une bonne visibilité dans les infos trafic, car les fermetures entraînent d'importants ralentissements (et affectent par ricochet les plans de voyage des passagers des 13 000 voitures qui l'empruntent chaque jour). L'autopont a en outre été entièrement restauré à deux reprises, en 1984 et 1996.

Mais le plus remarquable est sans doute que le viaduc soit toujours en place et reste fidèle au poste. Il a été question de transformer le carrefour en un gigantesque giratoire, ou encore de détourner entièrement le trafic automobile pour libérer l'espace, qui serait alors dévolu aux piétons et aux cyclistes. Mais il est toujours là, un ovni rouge bordeaux dans le paysage bordelais, comme s'il devait se trouver dans une grande métropole américaine, vestige d'une époque révolue mais pas si lointaine où les choix d'infrastructures urbaines étaient entièrement centrés sur la voiture. Compte tenu du climat actuel et de la montée en puissance de moyens de transport urbains alternatifs, parlera-t-on encore de l’autopont de Latule dans 50 ans ?  

Et maintenant, place à une vidéo "timelapse" qui démontre combien le secteur a évolué depuis 1924 !

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> Localiser sur la carte Invisible Bordeaux map : site of former Pont de Cracovie, Cracovie wasteland, Latule flyover.

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  Au rayon des beaux livres parus dernièrement, un est parvenu à cocher de nombreuses cases chères au blog Invisible Bordeaux. Sport : che...

Découverte du « Lescure Insolite » en compagnie de Laurent Brun

 

Au rayon des beaux livres parus dernièrement, un est parvenu à cocher de nombreuses cases chères au blog Invisible Bordeaux. Sport : check ! Histoire : check ! Patrimoine : check ! Insolite : check aussi ! Car il s’agit de l’ouvrage « Lescure Insolite » signé aux Éditions Sud Ouest par le journaliste / auteur / historien sportif Laurent Brun, qui propose un véritable voyage dans le temps à la découverte de quelques-uns des épisodes les plus surprenants dans la riche histoire du mythique stade municipal de Bordeaux, le Parc Lescure pour les uns, aujourd’hui le Stade Chaban-Delmas pour les autres !

 

Afin de tout savoir sur « Lescure Insolite », je me suis récemment entretenu avec Laurent. Notre discussion est à découvrir dans son intégralité dans le tout nouveau numéro du podcast Invisible Bordeaux (voir plus bas) mais, en guise de « teaser », voici un aperçu ce qu’il a dévoilé sur le livre !

L’histoire du livre

« Ce livre est le quatrième d’une série entamée en 2015 avec mon confrère Julien Bée, qui avait proposé, lors du passage des Girondins de Bordeaux de Lescure au Matmut Atlantique, de faire l’éloge du stade. Nous avions ciblé au départ les joueurs emblématiques des Girondins de Bordeaux, d’abord sous forme de pastilles audio destinées à la radio, mais jamais exploitées. C’est de là qu’est née l’idée du livre, qui a évolué pour devenir un projet en plusieurs volets. 

 

Nous avons sorti nous-mêmes en auto-édition le premier tome, « La Fabuleuse aventure des supporters des Girondins de Bordeaux ». Cet ouvrage a convaincu les Éditions Sud Ouest, avec qui nous avions déjà un accord, d’éditer les livres suivants, « Le rendez-vous des légendes » sous un angle historique, patrimonial et sportif ; puis « Lescure 80 ans », où on va au-delà du football pour évoquer les autres sports, culture, etc. Ensuite mon idée a été de me focaliser sur des chapitres plus insolites et peu connus du stade, d’où « Lescure Insolite ». »

 


Les sujets les plus fous évoqués dans le livre

« Avec l’aide de l’association Préservons Lescure, nous sommes partis d’une photo du début des années 1960 où on voyait trois « basketteurs » qui étaient en fait des judokas néerlandais – Anton Geesink, Hein Essink et Jan van Ierland – qui suivaient alors des cours au dojo de Lescure auprès du maître Haku Michigami, qui était devenu conseiller technique auprès de la fédération néerlandaise de judo. Celui-ci avait décelé un gros potentiel chez ces Néerlandais d’origine plutôt modeste, pensait pouvoir les former et en faire de bons compétiteurs. Ils ont par la suite battu les Japonais chez eux au Jeux olympiques de 1964, la première fois que ces derniers ont été vaincus dans leur sport roi. Les judokas néerlandais sont par la suite devenus des stars planétaires ! 

 

N’oublions pas aussi la venue des Harlem Globetrotters en match d’exhibition en 1951, le livre comprend une magnifique photo d’eux en action sur la plaine des sports annexe. Ces basketteurs étaient du calibre de Michael Jordan, ce sont des stars qui m’ont fait rêver en consultant les archives… en sachant qu’ils étaient managés à l’époque par Jesse Owens, le sprinter quadruple médaillé aux Jeux olympiques de 1938 ! »

 

Un événement décrit dans le livre auquel Laurent Brun aurait aimé assister

« La rencontre Girondins - équipe de France en match de préparation de la Coupe du Monde de 1966 ! Le sélectionneur de l’équipe de France avait ciblé les Girondins, alors la meilleure équipe du pays avec le FC Nantes, et dont le style de jeu rappelait celui des Italiens, à savoir rugueux, solide, fort défensivement… dans l’optique de pouvoir rivaliser avec l’Italie ou encore l’Angleterre. Ce n’était pas un match de gala mais bien un match de préparation, les Girondins ont mis en grande difficulté l’équipe de France (qui s’est finalement imposée 3-2). Il y avait des joueurs d’exception dans les deux camps. » 

 

Les prochains projets ?

« Plusieurs futurs ouvrages sont quasiment écrits sur des choses qui se sont passées à Lescure, mais sous un autre prisme. J’attends de nouveaux documents pour parachever cela. Mais actuellement je suis sur la finalisation d’un livre de surf, plus précisément sur l’histoire du Lacanau Pro. Je laisse donc le ballon rond pour la planche de surf ! Je vais également revenir au ballon ovale à l’avenir, et je ne manquerai pas de vous tenir au courant ! »

 

Au fil de la discussion, Laurent a également partagé son vécu du stade, son sentiment sur le passage du ballon rond au ballon ovale, l’endroit sur le terrain où il planterait les sardines de sa tente s’il devait y passer une nuit… et nous avons aussi échangé sur le Football Club des Girondins de Bordeaux, en nous attardant notamment sur le passage, à la fin des années 1980, du premier Anglais à avoir porté le scapulaire ! Bonne écoute !


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