La maison Gobineau, ce bâtiment de forme triangulaire à la pointe sud des Allées de Tourny, est l’un des véritables « incontournables »...

La maison Gobineau, l’un des premiers cinémas de Bordeaux !


La maison Gobineau, ce bâtiment de forme triangulaire à la pointe sud des Allées de Tourny, est l’un des véritables « incontournables » de Bordeaux et est souvent comparé au célèbre Flatiron Building de New York. Le rez-de-chaussée est principalement connu aujourd’hui comme étant le Bar à Vin du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) mais… saviez-vous que la maison Gobineau a été l’un des premiers cinémas de la ville ? 

Attardons-nous d’abord sur cet immeuble : la maison Gobineau a été achevée en 1816, construite par l’architecte Gabriel Durand selon les plans conçus en 1787 par son homologue Victor Louis, ce dernier étant également responsable du Grand Théâtre, non loin de là et inauguré en 1780. Suite à la décision de démolir le château Trompette (qui a finalement disparu pour de bon en 1818, laissant la place à l'esplanade des Quinconces), ce bâtiment a été érigé sur un terrain ainsi devenu exploitable dès 1786. Cette parcelle avait été allouée à un conseiller du Parlement de Bordeaux, Thibault-Joseph de Gobineau, pour y installer son nouvel hôtel particulier. 

Sa curieuse forme triangulaire (évoquant peut-être un navire ?) a ensuite dicté la manière dont le flanc nord des allées de Tourny et le cours du 30 juillet voisin allaient s’articuler et se développer. Vers 1920, l'architecte Raymond Mothe modifie radicalement le bâtiment – apparemment devenu un hôtel et un café restaurant à en croire les cartes postales de l’époque – en y ajoutant deux nouveaux étages, augmentant ainsi de façon conséquente la hauteur du bâtiment.

La maison Gobineau vers 1918 (avec enseignes d'hôtel et de café restaurant) et 1965 (devenue Maison du Vin de Bordeaux).
Passage aux niveaux supérieurs vers 1920. Source photo : groupe Facebook "Bordeaux, je me souviens".

Menu du café Gobineau datant du printemps 1939. Crédit : Jennifer Murray.
À partir de 1925, la première succursale Citroën de Bordeaux occupait une partie du rez-de-chaussée, avant que l'immeuble de ne devienne, en 1948, le siège du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (ou tout simplement, la Maison du Vin de Bordeaux), d’où l’installation au rez-de-chaussée du Bar à Vin. Il est ouvert au public, permettant ainsi de découvrir différentes curiosités datant du milieu du 20e siècle dont deux vitraux conçus par René Butheau et une tapisserie d'Aubusson signée Marc Saint-Saëns sur le thème de la vigne.

Les spectaculaires vitraux à découvrir dans le Bar à Vin. À gauche : "Le triomphe de Bacchus" ; à droite : "À la gloire de Bordeaux".
La tapisserie d'Aubusson : "Le vin de Bordeaux, la naissance d'un cru".

Mais qu'en est-il de l'affirmation surprenante que la maison Gobineau était autrefois un cinéma ? Eh bien, il se trouve qu'un soir, je parcourais quelques-unes des cartes postales accumulées ces dernières années, dont cette photo de la maison Gobineau datant d’environ 1908 :


Et j'ai remarqué que, juste au-dessus de l'entrée principale du rez-de-chaussée, le mot « CINÉMA » est clairement visible : 


L’explication est que, dans les dernières années du 19e siècle et au tout début du 20e, le cinéma était encore une activité qui sortait de l’ordinaire, et constituait généralement une forme de divertissement mobile. Pour regarder un film - qui au début n’était pas tellement une œuvre de fiction mais plutôt des scènes de tous les jours filmées avec une caméra - les spectateurs se dirigeaient là où le projectionniste ambulant pouvait s’installer : fête foraine, salon public, bar, etc. ! La Maison Gobineau était l'un de ces établissements, et il est probable que, sur un jour donné à un horaire donné, les clients se rassemblaient donc dans une salle obscure à l'intérieur de la maison Gobineau pour regarder un film ensemble !

Vue intérieure du début du 20e siècle, source : "Bordeaux, Métamorphoses", Max Baumann.
Est-ce ici qu'ont été projetés ces films du début du 20e siècle ?
Pour illustrer ce lien entre des immeubles a priori résidentiels (ou bureaux) et l'industrie cinématographique naissante, quoi de plus parlant que la plaque visible de l'autre côté des allées de Tourny (au numéro 10) qui célèbre la première projection publique d'images animées organisée à l’étage le 29 février 1896 devant différentes personnalités et la presse. Selon un reportage d’époque, revenant sur des séances publiques qui ont eu lieu le lendemain, « une dizaine de tableaux, reproductions de la vie courante, ont littéralement émerveillé les spectateurs ». (Source : Pierre Berneau, Les débuts du spectacle cinématographique à Bordeaux.)   

À voir en face de la maison Gobineau !
En ce qui concerne les établissements plus imposants, le théâtre l’Olympia (où se trouve actuellement la salle de concert Auditorium) et le théâtre le Français (aujourd’hui un multiplexe fraîchement rénové) proposaient des films dans leurs programmes de music-hall le soir, ainsi que des projections en matinée dès 1898-1899. La première salle de cinéma dédiée de Bordeaux, le Cinéma Hélios, s’est installée au 5 cours de l'Intendance à partir d'août 1902, présentant les premiers films « cinéma parlant » (à ne pas confondre avec le véritable cinéma sonore, qui n'a débuté qu'à la fin des années 1920) et offrant une combinaison cinématographique / configuration phonographique incompatible avec les systèmes mobiles. (Devenu plus tard le Cinéma National Pathé puis l'Intendance, cet établissement fermera ses portes en 1976.)

Le cinéma Hélios, devenu le cinéma National Pathé puis l’Intendance (source photos du haut : groupe Facebook "Bordeaux, je me souviens"), et cette même entrée de nos jours. 
En l’espace de dix ans, le centre de gravité des cinéphiles bordelais s'est définitivement déplacé des foires et des salles de bars vers des lieux polyvalents reconnus, qui proposaient désormais une vraie programmation cinématographique (c’est le cas notamment de l’Alhambra, sujet déjà largement couvert sur le blog, par le biais de son « Alhambra Cinéma Gaumont »), ou vers de toutes nouvelles salles dédiées. Selon Sud Ouest, en 1945, une quarantaine de cinémas opéraient à Bordeaux !

Combien de temps la maison Gobineau a-t-elle fonctionné en tant que cinéma ? Invisible Bordeaux n’a pas encore de réponse à cette question, mais c’était manifestement assez longtemps pour justifier l’installation de ce panneau au-dessus de la porte ! Bref, la prochaine fois que vous serez au Bar à Vin du CIVB, dégustant un verre de Médoc ou de Saint-Émilion, n’hésitez pas à déboussoler le personnel en demandant à quelle heure est la prochaine séance de cinéma !

> Localiser sur la carte Invisible Bordeaux : Maison Gobineau, allées de Tourny, Bordeaux
> Site internet du Bar à Vin: baravin.bordeaux.com
> Merci à Rosine Duet et Stéphane Cazabat pour leurs précisions par rapport à la succursale Citroën ! 

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Le sixième épisode du podcast mensuel d'Invisible Bordeaux est désormais disponible, et vous invite à un voyage dans le monde du cin...

Podcast, épisode 6 : Jérôme Mabon (États Critiques, le blog cinéma bordelais)


Le sixième épisode du podcast mensuel d'Invisible Bordeaux est désormais disponible, et vous invite à un voyage dans le monde du cinéma bordelais en compagnie de Jérôme Mabon, jeune cinéphile qui est à l’origine d’États Critiques, qui se définit comme le blog cinéma bordelais.

Alors, Bordeaux est-elle une ville de cinéma ? Jérôme répond à cette question en évoquant les films qui ont été tournés dans la ville, en rappelant les personnages du septième art liés au port de la lune, en parcourant les festivals et les salles de la métropole, et bien plus encore ! 

Vous pouvez l'écouter via le bouton lecture qui doit s'afficher ci-dessous, ou alors sur diverses plates-formes dont Anchor, Apple Podcasts / iTunes, Spotify, Google Podcasts, Breaker, PocketCasts, RadioPublic, Overcast, Podbean, Podcast Addict et Stitcher. N'hésitez pas à vous abonner afin de ne rien rater ! Et, plus bas sur cette page, retrouvez tous les liens qui vous permettront d'aller plus loin. Bonne écoute !


> Vous retrouverez le blog États Critiques ici : ecritiquesblog.com

> La page Facebook est ici
> L'enquête sur le passage furtif du Corniaud à Bordeaux est ici.
> L'article de Jérôme sur Max Linder est ici (et le dossier Invisible Bordeaux ici).
> Jérôme évoque également son article sur Geneviève Fontanel, à retrouver ici.

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