Le château de Tanaïs est un mystérieux manoir désaffecté situé vers la pointe nord-ouest de Blanquefort, au nord de Bordeaux. Les terrai...

Les fantômes du château et du camp militaire Tanaïs de Blanquefort


Le château de Tanaïs est un mystérieux manoir désaffecté situé vers la pointe nord-ouest de Blanquefort, au nord de Bordeaux. Les terrains environnants, ouverts au grand public, sont un lieu idéal pour une agréable promenade en harmonie avec la nature. Mais les nombreuses incarnations du château sont ce qui rend l’histoire de Tanaïs particulièrement intéressante… sans oublier les vestiges voisins d’une base militaire abandonnée et les diverses légendes urbaines qui ont transformé l'endroit en une destination quelque peu mystique pour les chasseurs de fantômes des temps modernes !

La bâtisse de 25 chambres fut construite en 1767 et a conservé le nom de son premier propriétaire, André Tanays. Au fil des années, le château changea plusieurs fois de mains et devint en 1886 la maison de campagne de Jean Léglise, un riche entrepreneur bordelais qui fit fortune en fabriquant des traverses de chemin de fer, bien que le domaine de Tanaïs lui-même se soit focalisé sur la production de vin. La propriété fut transmise à Paul Léglise, le fils de Jean, en 1912.

Mais tout allait changer en 1942 lorsque l'ensemble du domaine fut réquisitionné par les Allemands dans l'intention de le convertir en camp de repos pour officiers de sous-marins rattachés à la base sous-marine de Bordeaux. En février 1943, les premiers résidents qui s'installèrent dans le château (désormais équipé d'électricité, d'eau courante chaude et froide, d'une ligne téléphonique et d'un système de chauffage central) furent le général et l’état-major d'une branche du Service du travail du Reich (Reichsarbeitsdienst ou RAD). La Kriegsmarine (marine allemande) proprement dite prit leur place à l’été 1943. Au cours de leur séjour d'une année, les travaux de construction de 145 maisons situées dans la forêt avoisinante commencèrent, augmentant ainsi la capacité de la base.

Il est difficile de savoir si les Allemands ont effectivement utilisé cas maisons rudimentaires mais, après la guerre, vue la réticence de la famille Léglise à rentrer à Tanaïs, c’est l'armée française (officiers et leurs familles) qui s’y installa. Cette nouvelle base militaire, qui était un lieu quasi-autonome avec ses propres médecin, dentiste, cinéma et prison (!), abritait d’abord des sections du FFI, les Forces françaises de l’intérieur, puis des unités affectées par la suite à des missions dans des théâtres à l’étranger tels que l'Algérie ou Tahiti.

La base militaire de Tanaïs sur d'anciennes cartes postales, avec notamment le château et l'entrée principale (en haut à gauche), ou encore quelques logements en pleine forêt (en bas à droite). Source images : delcampe.net
L'armée française quitta les lieux au milieu des années 1960 et le domaine resta à l’abandon pendant une trentaine d'années, jusqu'à ce que la ville de Blanquefort le reprenne. La municipalité décida de démolir la plupart des maisons, transforma une bonne partie du terrain en lieu de promenade et créa une salle de réception adossée au château, qui peut encore être louée pour des mariages et autres fêtes.

Tout cela nous amène au chapitre peut-être le plus étrange de l'histoire de Tanaïs. Vu le statut énigmatique du manoir abandonné et le mystère entourant ces années où l’endroit était une base militaire, des rumeurs commencèrent à circuler, laissant entendre que le manoir et ses terrains étaient hantés. Parmi les récits récurrents, il y avait ceux d'événements paranormaux liés selon certains à la triste noyade de l'enfant d'un officier de l'armée dans l’étang artificiel situé non loin du manoir. Et, ces dernières années, une photo de groupe prise à l'extérieur du château lors d'une réunion de famille semblait montrer une silhouette mystérieuse se tenant à l'une des fenêtres de l'étage supérieur !
La mystérieuse photo où figure... un invité surprise ? Source: vidéo Youtube GussDx.
La vue est désormais moins dégagée depuis les fenêtres à l'étage.
Cette photo servit de point de départ à une aventure dans l'esprit du célèbre Blairwitch Project et partagée sur Youtube par le vidéographe Guillaume Durieux, ou GussDx, véritable chasseur de fantômes des temps modernes. Il passa une nuit sur le site accompagné par son fidèle détecteur EMF (fréquence électromagnétique) afin de prouver la présence de phénomènes paranormaux, à la fois dans les environs immédiats de la maison et dans l’une des anciennes demeures de la base militaire. Bien qu'aucune preuve catégorique n'ait été fournie, le clip présentait une poignée d'incidents mineurs inexpliqués et le tout était, pour employer un terme technique, assez flippant ma foi. Peu de temps après, quelques polémiques circulèrent sur la véracité du clip et de ces quelques incidents inexpliqués, mais la vidéo enregistra quand même près de 1,5 million de vues… La dynamique était lancée : GussDx enregistra un deuxième puis un troisième reportage sur place, d’autres chasseurs de fantômes se rendirent également sur les lieux pour en faire autant, et voilà que Tanaïs devint synonyme de domaine hanté à l’échelle nationale, label officieux dont la municipalité se serait bien passée !

En visitant le site aujourd'hui, l'une des premières choses que l’on remarque est que, depuis les premières visites du chasseur de fantômes Youtube GussDx, toutes les fenêtres du premier étage du château ont été tout simplement condamnées. Le parc tout autour est désormais un bel écrin de verdure, agrémenté d’une série de panneaux d’informations permettant de mieux s’approprier cet environnement à la fois paysagé et relativement sauvage, et de profiter pleinement des nombreux sentiers qui partent dans diverses directions.

Les routes du camp militaire d'antan.
Au bord de l'étang.
Mais le spectacle le plus étonnant, et de loin, est celui des nombreuses maisons de camp militaire abandonnées, qui sont interdites d’accès mais qui (ne le dites à personne) sont facilement accessibles via un sentier forestier à proximité. Les maisons sont devenues le territoire de graffeurs (principalement le street artist Saïr) mais, étant donné leur état avancé de délabrement, pas de squatteurs. En passant d'un bâtiment à l'autre, tout en veillant à ne pas se faire trop attaquer par les moustiques indigènes (le secteur est très humide), il est encore possible de comprendre à quel point les familles de militaires qui vivaient ici ont connu une existence hors du commun, sachant que la base abritait jusqu'à 1 500 personnes !

Au cœur des ruines et au contact des nombreuses œuvres signées Saïr.
À l'intérieur d'un logement.
Rencontre de street art et d'une inscription militaire. RCP : Régiment de Chasseurs Parachutistes.
La zone est étrangement paisible ces jours-ci, mais pour ceux qui y vivaient, comme par exemple une certaine Anita Jaulin-Fréchou, qui a partagé les souvenirs de son enfance passée sur la base dans le cadre d’une interview accordée à Sud Ouest en 2011, le camp reste dans les mémoires comme un lieu plein de vie. Anita se souvenait notamment des « réceptions sur le parquet ciré du château de Tanaïs… les bals, les cocktails, c’était Versailles, c’était superbe ! » et de la sensation d’être « libres comme l’air… Nous avions cet immense domaine à notre disposition et l’on crapahutait partout, surtout les garçons qui testaient le parcours du combattant réservé aux soldats. Plus tard, on jouait au tennis avec les sous-lieutenants et il y avait aussi un minigolf… » Mais des souvenirs plus difficiles sont également restés, comme en 1956 lorsque tout le régiment est parti pour l'Algérie, laissant derrière lui femmes et enfants ; Anita et les autres enfants s’alignèrent près du château pour les saluer.

Que le château Tanaïs et le domaine environnant soient hantés reste à débattre, mais sachez que vous ne me verrez pas passer une nuit là-bas pour mesurer l’activité électromagnétique de sitôt ! Au rayon insolite, lors de mon passage mon compteur vélo s’est remis à zéro sans explication quelconque, sans doute au moment où j’étais vers l’étang ou vers le château. Cela peut sembler anecdotique mais cette manip' exige normalement une intervention on ne peut plus humaine, et que le compteur fasse cela tout seul est pour moi, après des années de vélo, un événement totalement inédit. Incident paranormal ou pas impliquant mon modeste compteur vélo, il est clair que la ville fantôme qui demeure suite au passage de ces militaires du XXe siècle est parmi les sites d’exploration urbaine les plus incroyables de la région bordelaise. Il s’agit d’un exemple très parlant et même impressionnant de combien les lieux peuvent changer au fil du temps… et un rappel que rien ne dure à jamais.


> Localiser sur la carte Invisible Bordeaux : avenue de Tanaïs, Blanquefort.
> De nombreuses informations dans ce dossier sont tirées de l’article disponible ici.
> Interview Sud Ouest de Anita Jaulin-Fréchou en 2011
> Et voici une excellente vidéo réalisée par des élèves du Lycée agro-viticole de Bordeaux-Blanquefort en 2008 (Anita Jaulin-Fréchou figure d'ailleurs parmi les grands témoins du reportage) :

Cliquer ici en cas de problème d'affichage [clip non disponible sur certains appareils mobiles].
> Et voici les fameuses vidéos de GussDx : épisode 1 (2014), épisode 2 (2015) et épisode 3 (2018).
> Un grand merci à Fabrice Brussac pour ses précieux conseils !
> This article is also available in English!

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Podcast Invisible Bordeaux, épisode 5 : Mike Foster, Bordeaux Expats [entretien en anglais]


Le cinquième épisode du podcast mensuel d'Invisible Bordeaux est désormais disponible, et j'espère que vous êtes particulièrement bien assis car ce numéro est le premier en anglais ! Hourra ! C'est donc par ici pour cet entretien exclusif avec l'Australien le plus célèbre de Bordeaux, Mike Foster, créateur du blog et de la communauté des Bordeaux Expats.

Ensemble nous abordons la philosophie des Bordeaux Expats, nous revenons sur son arrivée à Bordeaux depuis Sydney via Londres, et nous échangeons autour de Bordeaux mais aussi de Saint-André-de-Cubzac, commune connue pour être le lieu de naissance du Commandant Cousteau et accessoirement la ville où Mike a aujourd'hui élu domicile.

Vous pouvez l'écouter via le bouton lecture qui doit s'afficher ci-dessous, ou alors sur diverses plates-formes dont Anchor, Apple Podcasts / iTunes, Spotify, Google Podcasts, Breaker, PocketCasts, RadioPublic, Overcast, Podbean, Podcast Addict et Stitcher. N'hésitez pas à vous abonner afin de ne rien rater ! Et, plus bas sur cette page, retrouvez tous les liens qui vous permettront de tout savoir sur Bordeaux Expats. Bonne écoute !



Vous retrouverez les Bordeaux Expats ici :
> Blog Bordeaux Expats : bordeauxexpats.com
> Chaîne Youtube Bordeaux Expats

Lors du podcast, Mike parle des vidéos réalisées avec Derek Rose. Voici un de ces clips : 


Cliquez ici en cas de problème d'affichage.

Enfin, ci-dessous vous pouvez admirer l'hommage au Commandant Cousteau situé sur un giratoire dans la commune de Saint-André-de-Cubzac, sujet évoqué également dans le podcast. Pour l'histoire qui va avec, consultez l'article Invisible Bordeaux (également en anglais) disponible ici.   


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