D'accord, la Cité du Vin est tout sauf un sujet « invisible » à Bordeaux, étant donné que depuis son ouverture en 2016, ce lieu a...

J’ai testé pour vous : la Cité du Vin

D'accord, la Cité du Vin est tout sauf un sujet « invisible » à Bordeaux, étant donné que depuis son ouverture en 2016, ce lieu atypique s'est rapidement imposé comme l'un des sites incontournables de la ville. Mais, malgré quelques visites express lors d’événements professionnels, je n'avais jamais pris le temps de visiter le lieu correctement, chose que je suis enfin parvenu à faire dernièrement, et j’avais envie de partager mes impressions. Quel sera le verdict ?

Mais, tout d'abord, un avertissement : cet article ne traitera aucunement de l’architecture si particulière du lieu (signée Anouk Legendre et Nicolas Desmazières de l'agence internationale d'architecture XTU). Vous n’y trouverez pas non plus d’éléments chiffrés sur ce bâtiment de 55 mètres de haut, avec ses 918 panneaux de verre de couleur et ses 2 300 panneaux en aluminium. Et je n’évoquerai pas non plus son auditorium de 250 places, sa salle de lecture paisible ou son restaurant chic du septième étage. Cher lecteur, nous allons nous concentrer pleinement sur la visite du parcours permanent lui-même (et sa scénographie signée par l'agence londonienne Casson Mann), à savoir ce que la plupart des visiteurs viennent voir.

Et, pour commencer, ces visiteurs sont équipés d'un « compagnon » électronique de type smartphone et d'un casque, dont la conception laisse un peu d'espace entre les haut-parleurs et les oreilles, pour conserver au moins une certaine notion de ce qui se passe autour. Cette combinaison compagnon / casque est l'accessoire essentiel pour pouvoir profiter pleinement de l'expérience Cité du Vin, car tout le contenu audio alimente ce dispositif tout au long de la visite, et l'appareil sert également de guide personnel, offrant diverses ressources et activités supplémentaires au cours du parcours.

L’installation vidéo « Le tour du monde des vignobles ». 
Ensuite, les visiteurs sont lâchés dans l'exposition proprement dite. Bien qu'il n'y ait pas d'itinéraire défini, il y a six univers distincts à explorer à volonté : « Vignobles du monde », « De la vigne au verre », « Au cœur des civilisations », « Le vin et vous », « Les imaginaires du vin » et, fort logiquement, toute une zone consacrée à Bordeaux. Le point de départ naturel est la zone consacrée aux « Vignobles du monde », dont le premier moment fort est un superbe film diffusé en format multi-écran qui compile des images de drones montrant des vignobles et des propriétés viticoles du monde entier. La transition est toute naturelle en se déplaçant vers l’un des autres points forts de ce premier univers, la « Table des terroirs », expérience multimédia dans laquelle des vignerons d’un large éventail de pays partagent des témoignages vidéo de leurs histoires personnelles et des spécificités de leurs territoires respectifs. Le tout est fabuleusement intéressant et même étrangement émouvant.

Témoignages de vignerons du monde entier sur la « Table des terroirs ».
L’univers « De la vigne au verre » dévoile tout sur la production de vin, depuis les divers atouts des différents cépages et les techniques et équipements employés dans la transformation des raisins, l'élaboration et la culture du vin, jusqu'au produit final. Ces histoires sont racontées principalement à l’aide d’écrans tactiles, dont certains en forme de larges soucoupes où les visiteurs balaient la surface afin d’interagir avec les informations proposées.

Comme on pouvait s'y attendre, la zone « Au cœur des civilisations » s'étend au-delà du produit lui-même vers l'économie et la culture associées. Tout d'abord, le « mur des tendances » couvre des aspects tels que le marketing et l'emballage. Puis, « À bord », une attraction digne de Disneyland, où les visiteurs sont assis dans le noir, entourés d'un grand écran incurvé et sont transportés dans le temps et sur les mers, à bord de navires marchands en compagnie de marins. On comprend alors que l’exportation de vins était, par le passé, synonyme de risque et d’aventure !

C'est la galère.
Dans la zone « Le vin et vous », on se dirige vers les codes et l'étiquette liés à la consommation du vin. Le premier rendez-vous est « le Banquet de légendes » où de célèbres amateurs de différentes périodes de l'histoire se réunissent et échangent bons mots. Il y a, entre autres, Napoléon Bonaparte, Colette, Marie Curie, Churchill, Voltaire et Hitchcock, ainsi que le troisième président américain Thomas Jefferson qui, très étonnamment, ne fait aucune allusion à sa précédente apparition sur le blog Invisible Bordeaux (et, là-aussi, il était question de vin).

Les personnages historiques amateurs de vins entourent l’acteur Pierre Arditi, qui joue son propre rôle.
Ensuite, nous arrivons aux attractions jumelles « Tout un art de vivre » et « Tête à tête avec les experts », où plusieurs spécialistes apparaissent sur de grands écrans verticaux pour partager leurs réflexions sur les rituels liés au vin et donner leurs meilleurs conseils sur le choix, la conservation ou la dégustation, etc. La dernière partie de cette zone, le « Buffet des cinq sens », constitue sans doute l’attraction la plus amusante de toute l’exposition, avec une multitude d'objets à observer, gratter, presser, sentir, écouter et toucher... De quoi aiguiser tous les sens!

La chroniqueuse Ariane Massenet paraît en taille réelle sur grand écran pour parler de vin et d’art de vivre.
Une présentation pleine de sens.
Ensuite, la zone « le Vin et l’imagination » ramène les visiteurs sur terre dans une ambiance quelque peu arty, d'abord avec « Le vin divin », une étrange installation vidéo, puis avec « Bacchus et Vénus » où, derrière des rideaux, les visiteurs s’allongent sur un canapé sorti tout droit d’une boîte de nuit afin de regarder au plafond un écran circulaire où des œuvres d'art sont projetées au son de musiques atmosphériques. C’est un poil intello et on ne comprend pas tout, mais quelqu’un quelque part a bien dû se dire qu’il s’agissait d’une bonne idée à mettre en œuvre.

Enfin, la zone portant sur Bordeaux raconte sur un grand mur vidéo « la grande saga » de la ville, avec ses hauts et ses bas, et propose des tables interactives afin que les visiteurs puissent se familiariser avec les appellations locales et le développement de l’industrie du vin à travers les siècles. Mais il reste un dernier arrêt car n'oublions pas que le billet d’entrée comprend un verre de vin au bar le Belvédère au huitième étage… et que le vin se déguste de préférence en admirant l’extraordinaire vue panoramique sur la ville depuis la terrasse qui entoure le bâtiment.

Le bar du Belvédère dans toute sa splendeur.
Une toute petite partie de la vue panoramique sur la ville.
Quel est donc le verdict ? Commençons par la colonne des moins. Tout d'abord, il faut dire que visiter la Cité du Vin peut facilement devenir une expérience très solitaire. Le concept du casque est formidable, mais par conséquent le lieu rappelle l'une de ces discothèques silencieuses où tout le monde danse sur un air différent dans ses écouteurs. De plus, il est peut-être question de mauvaise organisation de ma part, mais il m’est arrivé à plusieurs reprises de perdre toute trace des personnes avec qui j’étais, et le projet de sortie en groupe s'est transformé en aventure similaire à celle d'un enfant perdu dans un supermarché. Et justement, parlons d’enfants ! Je sais qu'il y a un parcours dédié aux plus jeunes enfants qui se concentre principalement sur les aspects les plus ludiques de l’exposition, mais je pense qu'il doit être difficile pour les parents et les enfants de synchroniser de manière satisfaisante leurs visites (et je n’ose même pas imaginer des ados dans ce lieu, mais je serai ravi de revoir ma copie si vous me confirmez que le lieu est bien teenager-friendly). L’aspect high-tech de l’exposition est fabuleux, mais il est vrai qu’on aurait presque souhaité davantage d’activités manuelles dans l’esprit du « Buffet des cinq sens ». Enfin, comme vous l'aurez compris, quelques attractions sont tellement du domaine du grand art qu’on a du mal à les comprendre… mais, certes, il en faut pour tous les goûts !

Je confirme, je n’ai pas compris grand-chose à l’attraction « Bacchus et Venus ».
Les côtés positifs : la diversité des formats et des concepts de ce qui est présenté est extrêmement impressionnante, et les contenus conçus sur mesure qui alimentent les différents points de visite sont de grande qualité et très homogènes en termes de ton et d'approche. Le périmètre présenté s'étend bien au-delà de Bordeaux, et ce parti pris permet de proposer une visite très informative où même les connaisseurs de vin les plus experts apprendront quelque chose de neuf. Et, peu importe le temps que vous passez à visiter l'exposition permanente, vous ne pouvez pas vous empêcher de penser qu'il reste encore beaucoup à découvrir. Il faudrait sans doute plusieurs visites pour vraiment s’approprier pleinement tout ce qui est proposé.

Retenons donc que la Cité du Vin est véritablement un site touristique de classe mondiale. Le monde du vin méritait sans aucun doute un tel lieu insolite, donc saluons Bordeaux de l’avoir imaginé et de l’avoir fait.

> La Cité du Vin, esplanade de Pontac, 134 quai de Bacalan, Bordeaux
> Site internet de la Cité du Vin : www.laciteduvin.com
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Nous nous trouvons dans le quartier de Caudéran à Bordeaux pour découvrir la Pergola, théâtre de 300 places situé dans un complexe qu...

La Pergola : la salle de fêtes art déco devenue théâtre

Nous nous trouvons dans le quartier de Caudéran à Bordeaux pour découvrir la Pergola, théâtre de 300 places situé dans un complexe qui est un cas d’école de l'architecture art déco des années 1930 et qui fait partie de la liste très sélecte des édifices locaux officiellement classés au titre de Patrimoine du XXe siècle.

Lors de sa construction, la Pergola était considérée comme une salle des fêtes polyvalente destinée aux Caudéranais ; rappelons que Caudéran était à l’époque une commune à part entière (elle a fusionné avec son imposant voisin dans les années 1960). Le conseil municipal avait chargé l'architecte de la ville Marcel Picard de concevoir le bâtiment, qui devait comprendre non seulement la salle principale – qui, à l'origine, pouvait accueillir jusqu'à 600, voire 800 personnes –, mais aussi deux ailes, dont l'une devait abriter un gymnase et champ de tir, et l’autre sept salles de réunion. Les travaux ont commencé vers 1927 et se sont achevés en 1930.


Quatre-vingt-dix ans plus tard, la façade reste plus ou moins inchangée. Deux grandes colonnes (comportant chacune de petites vigies qui doivent offrir une vue époustouflante sur les alentours) dominent la section centrale qui a été décorée de quelques sculptures en bas-relief signées Edmond Tuffet (qui a également contribué à la Maison Cantonale dans le quartier de la Bastide), et qui évoquent la musique et le théâtre. Parmi les autres vestiges de cette période, on peut citer une minuscule billetterie ou encore le lettrage en fer forgé au-dessus des portes des deux ailes. Le gymnase est maintenant une salle de fitness et la salle de répétition de l'orchestre d'harmonie de Bordeaux, tandis que les salles de réunion abritent aujourd'hui une école de musique.

Quelques détails de la façade... et la billetterie minuscule.
À l’intérieur, de nombreuses caractéristiques originales du bâtiment ont apparemment disparu au fil des années, mais il reste encore beaucoup de belles choses à découvrir : d’impressionnants carrelages au sol, un magnifique escalier, et un grand hall au premier étage où les colonnes alignées rappellent la façade extérieure. Le grand tableau qui domine l'escalier est un ajout récent, bien que l'œuvre s'inspire d'une pièce des années 1930 qui correspond bien à l'atmosphère générale du lieu.

Le grand escalier et le foyer du premier étage.
Et puis il y a la salle de théâtre elle-même, avec ses rangées parfaites de chaises rouges pliantes (qui ne sont pas d’origine), son système d'éclairage sophistiqué au plafond et sa scène compacte, flanquée de chaque côté de fontaines en mosaïque colorées qui ajoutent une certaine symétrie, en espérant qu’elles ne déconcentrent pas trop les spectateurs lors de représentations !

Le système d’éclairage et l’une des fontaines en mosaïque si discrètes.
Mais pourquoi la salle s'appelle-t-elle la Pergola? La réponse se trouve sur les terrasses extérieures situées le long du théâtre, c'est-à-dire au-dessus des deux ailes. Des rangées de colonnes tronquées sont tout ce qui reste de ce qui était autrefois de véritables pergolas, de belles signatures qui ont ainsi donné leur nom à cette salle des fêtes.

Quelques traces de la pergola d’origine !
Au fil des années, cette vocation de salle polyvalente s'est estompée et la Pergola est devenue une salle de théâtre principalement utilisée par la compagnie de théâtre Présence. La compagnie a récemment célébré son 30e anniversaire et jouit de liens étroits avec la Pergola depuis 1995, date à laquelle le maire de Bordeaux d’alors, Alain Juppé, avait accepté de leur laisser l’utiliser gratuitement. Ces jours-ci, soit quelque 3 000 représentations plus tard, la compagnie présente environ une douzaine de spectacles chaque année et ce pour tous types de public. Et lorsque la Pergola n’est pas utilisée par les acteurs de la compagnie Présence, la mairie de Bordeaux met le lieu à la disposition d’autres organisateurs de spectacles ou manifestations.

Et une dernière chose ! Juste en face de la Pergola se trouve un petit commissariat de police, qui a déjà fait une apparition sur le blog dans un article sur les escargots distinctifs de Caudéran qui figuraient sur les armoiries de la commune « indépendante » de Caudéran (et visibles au-dessus de l’entrée). Cet autre bâtiment est un proche cousin de la Pergola, date de la même époque, est dans le même esprit et les même tons, et est sans aucun doute l’œuvre du même architecte !


> Localiser sur la carte Invisible Bordeaux : La Pergola, rue Fernand-Cazères, Bordeaux
> Un grand merci aux étudiants membres de l’association Archimuse-Bordeaux qui nous ont permis de découvrir ce lieu lors des journées du Patrimoine 2018 (oui, il m’a fallu plus d’un an pour rédiger ce papier !)

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