Cachée dans les bois non loin des rives de la rivière Leyre, dans le hameau de Lamothe, juste à l'est du Teich, se trouve la ...

La fontaine Saint-Jean : la miraculeuse source tarie du côté du Teich


Cachée dans les bois non loin des rives de la rivière Leyre, dans le hameau de Lamothe, juste à l'est du Teich, se trouve la petite et quelque peu mystérieuse Fontaine Saint-Jean, abritant une source qui est maintenant asséchée mais qui était autrefois réputée pour ses propriétés miraculeuses.

Ce petit édifice, qui a été restauré ces dernières années, date du 17e siècle et bien que je n'ai pas pu les repérer, les dates 1645 et 1650 sont apparemment gravées dans la structure, dans la niche concave qui jusqu'en 1772 contenait une statue de Saint Jean, saint patron de Lamothe (la statue fut la victime malheureuse d'un différend entre les habitants du Teich et de Mios).

Bien que peu d'informations sur la fontaine soient facilement disponibles, certaines des descriptions plus détaillées à retrouver en ligne (voir les liens au bas de cet article) mettent en exergue le passé mystique et religieux du lieu. Ceci peut être principalement attribué à son emplacement sur l'un des plus anciens des nombreux chemins de pèlerinage de Compostelle à travers la région ; le lieu a donc servi de halte naturelle pour les marcheurs en route vers ou depuis Saint-Jacques-de-Compostelle au fil des siècles. Mais certains érudits ont même prétendu que l'histoire remontait beaucoup plus loin et que la source était saluée pour ses vertus spirituelles avant même l'ère de la conquête romaine de la Gaule !

L'environnement est pour le moins paisible. 
Quoi qu'il en soit, il existe diverses légendes sur les propriétés curatives de l'eau de la fontaine, notamment pour les affections cutanées, bien que tout au long du 20e siècle, cette croyance s'est estompée lorsque la source s'est tarie (probablement en raison des travaux importants effectués à proximité pour construire des lignes de chemin de fer). Pourtant, même en ces temps modernes, il serait encore possible de voir des chiffons déposés sur la fontaine, un rite traditionnel landais synonyme d'espoir d'un miracle. Un fidèle lecteur du blog, Harvey Morgan, précise qu' «  on trempe le chiffon dans l'eau puis on le frotte sur la partie affectée, répétant généralement une prière ou un rituel quelconque, puis on le suspend près de la fontaine pour qu'il sèche. La maladie disparaît lorsque le chiffon est sec. Il y a encore aujourd'hui plusieurs fontaines dans les Landes où cette pratique continue. »

Une bougie déposée lors d'une récente visite ?
Le jour de ma visite aux côtés de mon compagnon de voyage occasionnel, mon beau-père Michel, il n'y avait aucun chiffon, bien que la zone soit si humide que nous aurions volontiers déposé le nombre de chiffons qu'il aurait fallu pour nous débarrasser de l'assaut constant de moustiques affamés ! Il y avait des signes de visites récentes : une bougie avait été déposée avec une statuette de la Vierge. Des bancs sont positionnés en forme de demi-cercle face à la fontaine, rappel que le lieu sert d'arrêt aux pèlerins, bien qu'il aurait fallu une âme courageuse résistante aux insectes pour s'y arrêter trop longtemps ! L'ambiance est très paisible, le silence seulement troublé par deux cavalières qui avaient sans doute le meilleur moyen de transport pour pouvoir faire face aux marécages tout autour.

Chevaux, vélos et une fontaine miraculeuse. Un beau tiercé.
À la fin de notre visite je semblais finalement être sorti indemne des innombrables attaques de moustiques ; doit-on y voir les effets des qualités miraculeuses du lieu ? Mais surtout, j'étais simplement content d'avoir vu cet endroit insolite, notamment parce que c'était loin d'être ma première tentative pour le trouver ! En effet, la fontaine n'est pas facile à localiser ou à atteindre. L'astuce est de viser le parking du Kayak Club du Teich, juste à côté de la départementale D804, puis de continuer vers le sud en longeant la Leyre (ou l’Eyre). Vous passez ensuite sous un pont de chemin de fer, avant de traverser une petite passerelle en bois au-dessus du ruisseau (ou craste) Beneyre. En prenant immédiatement à droite, en suivant ce ruisseau, le sentier forestier vous mènera à la fontaine Saint-Jean.

Enfin, à voir non loin de là : parallèle à ce chemin, un peu au nord, se trouve la bien nommée allée de la Fontaine Saint-Jean, avec une curieuse rangée de maisons à pans de bois qui semblent tourner le dos à la rue, préférant regarder en direction de la voie ferrée. Il est possible que l'attrait indéniable de ces jolies maisons souffre lors de chaque passage d'un TGV à quelques mètres de leurs fenêtres !
Les maisons de l'allée de la Fontaine Saint-Jean tournent le dos à la route.
> Localiser sur la carte Invisible Bordeaux : fontaine Saint-Jean, Le Teich.
> Des articles nettement plus complets sur la fontaine sont à découvrir ici : Marinelle Balades Photos, Info Bassin, Société Historique et Archéologique d'Arcachon et du pays de Buch.  

0 commentaires:

C'est à un de mes amis Adam, qui anime le site partenaire Invisible Paris , que je dois la découverte de cette couverture de Paris M...

« Winegate » : le scandale qui secoua le monde du vin bordelais en 1973


C'est à un de mes amis Adam, qui anime le site partenaire Invisible Paris, que je dois la découverte de cette couverture de Paris Match. Nous sommes en 1973 et, entre des dossiers sans doute explosifs sur Jacques-Yves Cousteau et le « phénomène blue-jean » s'inscrit l'annonce énigmatique d'un « scandale à Bordeaux ». De quel scandale pouvait-il s'agir ? La réponse : « Winegate » ! 

L'histoire commença au 124 quai des Chartrons qui, à l'époque, était le siège de la maison Cruse, la prestigieuse société de commerce et d'exportation de vins. Le jeudi 28 juin 1973, des inspecteurs de la brigade de surveillance des services fiscaux de l'État s'y rendirent, peut-être suite aux tuyaux d'un informateur, avec l'intention de procéder à un audit complet et à un inventaire des stocks.

Les inspecteurs furent expulsés de force des locaux par le directeur, Lionel Cruse, qui affirma que le moment n'était pas opportun. Il fit valoir que l'entreprise était en retard sur un certain nombre de commandes et, avec la période des vacances à venir, ils avaient encore beaucoup de rattrapage à faire. En lisant entre les lignes, les inspecteurs comprirent plutôt que l'établissement avait manifestement quelque chose à cacher. Ils s'éclipsèrent et, dans leur rapport, firent état d' « opposition à fonction ». Ce n'allait être qu'un au revoir...

C'est désormais plus calme au 124 quai des Chartrons.
Plus ou moins simultanément, des collègues d'une autre branche du fisc, la Brigade Spéciale des Contributions Indirectes, découvrirent un cas de fraude grave : un négociant en vins de Saint-Germain-de-Graves, au sud-est de Bordeaux, avait acheté du vin en vrac de la région Languedoc, ainsi que de grandes quantités de Bordeaux bon marché. Le tout était alors stocké dans ses caves, la documentation associée falsifiée, et le produit fini revendu sous des étiquettes d'appellation contrôlée dont Saint-Émilion, Pomerol et Médoc, à des sociétés de distribution et d'exportation... dont Cruse.

Des informations commencèrent à circuler sur le négociant au cœur de l'affaire, un certain Pierre Bert, qui avait un passif d'affaires douteuses et échecs commerciaux. Ce dernier projet en date visait donc à capitaliser sur le marché toujours florissant des vins de Bordeaux par le biais de la distribution de quelque 3 millions de bouteilles mal étiquetées (à cette époque, environ 60 millions de bouteilles de vins de Bordeaux étaient destinées à l'export tous les ans). Mais agissait-il seul dans cette tromperie ? Ou ses homologues des compagnies de distribution étaient-ils complices dans la démarche ?

Lionel Cruse, le
"Nixon bordelais". Source :
larvf.com
La réponse fut rapide : Lionel Cruse était catégorique sur son innocence, comparant publiquement son sort à celui de Richard Nixon et qualifiant le scandale de « Winegate ». La chute de Nixon n'allait pas tarder… quel serait la destinée de Cruse ?

La tourmente n'allait que s'amplifier avec les trouvailles de divers journalistes d'investigation mettant au jour différentes méthodes illicites employées pour améliorer les vins de stock, comme l'édulcoration excessive, divers mélanges non divulgués et l'utilisation de colorants artificiels. Bert, qui avait alors déjà reconnu la falsification des vins qu'il vendait, a répondu aux allégations en affirmant que « 90 % des commerçants et 50 % des producteurs se comportent de manière frauduleuse », ajoutant qu'il n'y avait aucun moyen qu'il puisse s'agir d'un cas isolé : « Deux cent mille ou trois cent mille hectolitres de vin du Languedoc arrivent à Bordeaux chaque année. Ils passent bien quelque part ! »

Le scandale éclata réellement fin août 1973 avec des articles dont une double page dans le Nouvel Observateur, suivi du Canard Enchainé qui titrait sur cette « fraude généralisée à Bordeaux ». Le Canard Enchainé ajouta une dimension politique au scandale : toute cette affaire était une excellente nouvelle pour le ministre des Finances de l'époque, Valéry Giscard d'Estaing, dont le principal rival politique de droite pour l'élection présidentielle de 1976 n'était autre que Jacques Chaban-Delmas, maire de Bordeaux et un ami de longue date et allié du monde du vin du quartier des Chartrons. Le mot de la fin du Canard Enchainé annonçait « un autre point pour Giscard ! Pauvre Jacques ! » L'hebdomadaire satirique a vu juste : à la mort, en avril 1974, du président Georges Pompidou, l'élection présidentielle fut avancée au mois de mai de la même année et Chaban-Delmas fut facilement écarté au premier tour du scrutin, Giscard passant alors devant François Mitterrand pour devenir président.

Dossier du Nouvel Observateur, 27 août 1973 (disponible en ligne ici et ici).
Le procès de l'affaire dite désormais Winegate commença en octobre 1974 et fut largement couvert à l'international, notamment au Royaume-Uni, au Canada, aux États-Unis et au Japon. Au banc des accusés, pas moins de 18 individus, dont trois membres de la famille Cruse et le tristement célèbre Pierre Bert, tous inculpés d'utilisation illégale de produits chimiques pour améliorer les produits et d'étiquetage erroné des vins. Le procès se poursuivit pendant près de deux mois, aboutissant à un verdict de 240 pages et huit condamnations.

Pierre Bert, qui reconnut de nouveau devant le tribunal avoir altéré les vins, fut condamné à la peine la plus sévère - un an de prison. Il n'exprima aucun regret, affirmant même que ses mélanges étaient très similaires au goût de Bordeaux : « Pendant tout le temps de la fraude, je n'ai jamais reçu de plainte d'un client sur la qualité ! ». Lionel Cruse et son collègue directeur, son cousin Yvan, furent condamnés à un an de prison avec sursis, à une amende et à trois ans de probation. Mais leur seul aveu fut de ne pas avoir goûté assez soigneusement le vin fourni par Bert.

Bien que l'affaire soit désormais close, l'impact ne faisait que commencer. Les prix chutèrent du jour au lendemain et les exportations ralentirent. La demande des États-Unis pour des vins de Bordeaux descendit à un niveau précédemment enregistré en 1969 et n'allait se redresser qu'à partir de 1982. De nombreux châteaux, qui n'avaient pourtant joué aucun rôle dans le scandale mais en subirent les conséquences, cessèrent en masse de traiter avec les négociants, revenant pour la plupart à des méthodes de vente directe.

Les effets les plus notables du scandale furent sans doute la mise en œuvre d'une réglementation plus stricte et l'importance supplémentaire accordée à l'expression « mis en bouteille au château », synonyme d'implication minimale d'intermédiaires. (Car, à l'origine de ce scandale était la pratique alors très répandue de la vente de vin de petits vignobles aux distributeurs qui assuraient également le vieillissement et la mise en bouteille.) Cependant, de nombreux négociants furent recrutés par les châteaux afin de faciliter la transition vers l'internalisation de la vinification et la mise en bouteille.

La maison Cruse se releva au fil des années et est aujourd'hui propriétaire du Château Laujac et du Château d’Issan. Le célèbre Château Pontet-Canet fut cependant vendu à la suite du scandale, qui reste sans aucun doute encore un chapitre gênant dans le passé de l'établissement. Il semble même avoir été effacé de l'histoire quand cela est possible. Par exemple, je fus surpris de ne voir aucune mention du scandale dans l'article nécrologique suite au décès de Lionel Cruse publié en avril 2013 dans Sud Ouest. Il n'y a plus ou peu de traces de ce que devint Pierre Bert. Les récits les plus complets du scandale que j'ai trouvés se trouvaient, bizarrement, dans les archives de journaux américains. Enfin, c'était la première fois que certaines de mes recherches recevaient le message « En réponse à une demande légale adressée à Google, nous avons retiré xx résultat (s) de cette page ».

Mais je pense que l'histoire méritait d'être racontée, même si je ne pense pas qu'Invisible Bordeaux recevra cette année une carte de vœux de la maison Cruse… Je me consolerai en buvant un verre de vin du Languedoc !

Localiser sur  la carte Invisible Bordeaux : former Cruse headquarters, 124 quai des Chartrons, Bordeaux.
> This article is also available in English.

2 commentaires: