J'ai récemment découvert une des visites guidées les plus insolites et les plus intéressantes du tout Bordeaux... du moins si on est...

Le Quai de Brazza « by night » : visite guidée du centre d'impression de Sud Ouest


J'ai récemment découvert une des visites guidées les plus insolites et les plus intéressantes du tout Bordeaux... du moins si on est amateur de tourisme industriel et prêt à veiller tard : la découverte du centre d'impression du quotidien régional Sud Ouest, situé rive droite au quai de Brazza.

Ces visites guidées, qui sont entièrement gratuites, ont lieu plusieurs fois par semaine entre octobre et juin et sont encadrées par une sympathique équipe de jeunes guides. De nombreuses personnes viennent dans le cadre de visites de groupes (organisées par des CE, institutionnels ou municipalités) mais l'initiative est bel et bien ouverte aux particuliers également. Et c'est ainsi qu'avec mon fils aîné nous nous sommes joints à la trentaine de personnes regroupées devant le site un vendredi soir à 22h30.

Le groupe se dirige d'abord vers le bâtiment principal où la visite démarre avec une présentation de Sud Ouest et une vidéo qui explique la façon dont le quotidien est conçu aux bureaux du quai de Queyries, à quelques centaines de mètres de l'endroit où l'on se trouve. Nous découvrons ensuite l'histoire du journal depuis sa naissance, sous forme de feuillet recto verso, au lendemain de la Libération en 1944 jusqu'à aujourd'hui ; Sud Ouest est à présent numéro 2 de la presse quotidienne régionale employant 900 collaborateurs (dont 267 journalistes). 

Notre guide Maxime présente le tout premier numéro de Sud Ouest. Dans sa main gauche : un exemplaire du numéro de la veille utilisé pour indiquer des choses intéressantes et, éventuellement, gérer les cas difficiles dans le groupe de visiteurs d'un soir.
Sud Ouest réalise aujourd'hui 16 éditions locales distribuées dans sept départements dans le sud-ouest de l'hexagone. 260 000 exemplaires sont ainsi écoulés en sachant que l'empire Sud Ouest comprend aussi un impressionnant dispositif internet, différents hebdomadaires locaux, un quotidien gratuit distribué à Bordeaux (Direct Matin Bordeaux 7), une maison d'édition et la chaîne de télévision TV7. Voilà donc le décor planté pour notre visite de l'imprimerie, installée quai de Brazza depuis 2001 et son transfert depuis le site historique de Sud Ouest situé rue de Cheverus. Le centre d'impression est aujourd'hui le lieu de travail de quelque 180 salariés, dont 80 assurent les horaires de nuit.

Notre premier point de visite est la salle qui est surnommée « la Cathédrale », le lieu de stockage des immenses rouleaux de papier venus du nord-est de la France et de Norvège. Chaque laize (le terme technique, s'il vous plaît) s'étalerait sur 21 kilomètres si elle était déroulée sur une surface plane ! Et pourtant, les nombreux rouleaux stockés sur place ne représentent que deux à trois semaines de production du journal.

Nous nous dirigeons alors vers « la salle des robots » où l'air est moins frais et plus humide que dans la Cathédrale. C'est ici que les laizes sont ouvertes et stockées pendant trois jours supplémentaires afin que l'état du papier soit optimal pour l'impression. Sept « robots » (d'où le nom de l'espace) se déplacent dans les allées pour collecter les rouleaux afin de les livrer aux rotatives situées dans la pièce voisine. 

La Cathédrale et la salle des robots, où un robot collecte une laize.
Nous suivons de loin les robots pour nous rendre, nous aussi, dans « la salle des rotatives », à savoir le niveau rez-de-chaussée de l'espace d'une hauteur équivalente de trois étages qu'occupent les trois immenses rotatives du centre d'impression. C'est ici que les machines, gérees chacune par six personnes, sont alimentées de papier. Le processus production démarre chaque soir vers 23h15, heure à laquelle il est possible d'intégrer tous les résultats sportifs du jour. Les premières éditions réalisées sont celles qui auront à couvrir le plus grand nombre de kilomètres (pour arriver en Charente). Les équipes terminent vers 4 heures du matin une fois qu'ils ont réalisé les éditions destinées à la métropole bordelaise et Direct Matin.

De là nous rejoignons une salle au deuxième étage où il est possible d'observer les rotatives en pleine action. Le papier à l'impression défile à une vitesse de 35 km/h et les produits finis (les journaux pliés) sortent en file indienne accrochés à des rails suspendus qui parcourent tout l'espace.

Les rotatives vues depuis les niveaux supérieur et inférieur.
Direction « l'atelier des plaques » à présent, où l'ambiance est davantage celle d'un laboratoire que d'une usine. C'est ici que les équipes réceptionnent les fichiers informatiques qui comprennent le contenu mis en page du journal, fichiers qui sont alors convertis en plaques qui seront accrochées aux rouleaux d'impression des rotatives : recouvertes d'un gel alimentaire, les plaques travailleront de paire avec un système laser pour définir les points qui sont les parties à imprimer. Pour chaque page double, quatre plaques sont ainsi réalisées, une pour chacun des quatre encres utilisés pour le procédé quadrichromie (constitué des quatre couleurs que sont le cyan, le magenta, le jaune et le noir) adopté par le journal. Multiplions le tout par le nombre d'éditions et de publications produites sur place et ce sont entre 1 300 et 1 500 de ces plaques qui sont fabriquées chaque nuit, afin de positionner comme il faut les 700 kg d'encre consommés quotidiennement !

L'Atelier des plaques : quelques plaques sont visibles en bas à droite de l'image.
La visite nous mène alors vers « la salle des expéditions » où les journaux sont rassemblés par paquets pour envoi vers des points de distribution (3 900 sur la zone couverte par Sud Ouest) ou vers les 760 vendeurs-colporteurs qui déposeront le quotidien dans les boîtes aux lettres de particuliers. D'autres exemplaires sont conditionnés individuellement pour envoi par courrier aux abonnés du journal. C'est donc le début du voyage pour les journaux, mais la fin de la visite pour nous (il est désormais plus de minuit et demi). Un exemplaire tout frais (ou plutôt tout chaud) est remis à chaque personne et certains repartent même avec une plaque d'impression !

La salle des expéditions : les journaux font leur entrée via le système de rail suspendu au plafond.
Vous l'aurez compris, la visite est riche d'enseignements et la passion des guides est enthousiasmante. En échangeant avec d'autres visiteurs nous avons constaté combien l'approche de Sud Ouest est inhabituelle : je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'acteurs industriels ou des médias qui ouvrent ainsi leurs portes au grand public en dehors des journées du patrimoine. 

Mon fils Nathan admire son
exemplaire tout frais du
Sud Ouest du lendemain.
On observe donc un réel désir de partager ce qui se passe au centre d'impression ; par exemple la photographie y est non seulement tolérée, elle est même encouragée ! De retour chez soi, le fait d'avoir une meilleure idée de la façon dont le journal est fabriqué ajoute une nouvelle dimension à la lecture du Sud Ouest. Ayons donc une pensée pour ces équipes dont la journée de travail démarre à 23h15...

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