Nous avons déjà rencontré à deux reprises l'illustre architecte suisse Le Corbusier (1887-1965) sur le blog Invisible Bordeaux, lors de la découverte de la Cité Frugès à Pessac et du lotissement aîné de quelques années situé à Lège-Cap-Ferret. Mais le premier et peut-être le plus surprenant des projets de Le Corbusier en Gironde (et également son premier en France) était en fait un curieux château d'eau en forme de phare à Podensac, à 35 kilomètres au sud-est de Bordeaux.
Au moment de sa construction, en 1917, Charles-Édouard Jeanneret-Gris n'avait pas encore adopté son pseudonyme, Le Corbusier. Il avait été sollicité par un ami, le riche entrepreneur girondin François Thévenot, pour concevoir un château d'eau afin d'assurer l'alimentation en eau de sa propriété nouvellement acquise (au cœur de laquelle a été construite sa résidence, le Château Chavat).
Le Corbusier a donc dessiné la tour circulaire en béton armé de 25 mètres, construite par la Société d'application du Béton Armé (SABA), l'organisme qui l'employait à l'époque. Un escalier en colimaçon menait jusqu'au réservoir d'eau de 80 mètres cubes mais, surtout, plutôt que d'être une simple tour opaque, la tour comprenait une pièce en hauteur, entourée de grandes fenêtres offrant une vue panoramique sur les alentours. À quoi servait cette pièce ? Certaines sources la qualifient de « gloriette », simple lieu de détente, mais Le Corbusier parlait plutôt de « garçonnière », ce qui suggère que le lieu aurait également servi de point de rencontre discret pour le propriétaire !
Pour couronner le tout : une terrasse en hauteur, bien que le projet incluait initialement un belvédère supplémentaire qui n'a jamais été rajouté.
À l'époque de la Seconde Guerre mondiale, le château d'eau et les terres environnantes sont devenues la propriété de la commune, qui a alors divisé une partie du terrain en petites parcelles (bien que le château et son parc soient restés plus ou moins tel quel). Le château d'eau avait cessé d'opérer en 1940, et a été rejoint par la suite par une tour plus imposante et plus moderne. La structure signée Le Corbusier est alors tombée dans l'oubli jusqu'à ce qu'elle soit « redécouverte » en 1983 par deux architectes néerlandais.
Le château d'eau n'a pas immédiatement été classé monument historique (une demande faite par la municipalité a été rejetée en 1986) et, en 1987, sa gestion a été confiée (pour une durée de 99 ans) au « Groupe des Cinq », un collectif formé à l'origine par cinq architectes (Laurent Cazalis, Alain Loisier, Bertrand Nivelle, Daniel Sarrazin et Jean de Giacinto) avec comme objectif la protection et la revalorisation de sites historiques, en les associant souvent à des événements culturels. Tout au long de la seconde moitié des années 1990, l'association a ainsi supervisé d'importants travaux menés sur le château d'eau (notamment la toiture, la terrasse, et l'intérieur et les fenêtres de la garçonnière) et, en novembre 2005, le parc Château Chavat, ses parcours d'eau, ses serres et le château d'eau ont tous été classés monuments historiques.
Depuis lors, le Groupe des Cinq travaille à dynamiser le château d'eau, en développant son attrait touristique, pédagogique, culturel et historique. Cela s'est notamment traduit par son inscription sur les cartes touristiques locales, l'accueil de groupes scolaires et l'organisation de diverses expositions ou animations. Citons, par exemple, des « sculptures sonores » réalisées par l'acousticien Didier Blanchard en partenariat avec le compositeur Georges Bloch en 1995, ou encore une lecture de conte accompagnée d'un spectacle de lumières intitulé « Les jardins noctiluques », en 2006.
Lors de mon passage, c'était le calme plat (certes,
c'était en fin d'après midi un dimanche d'août). Pour atteindre le pied de la tour, j'ai traversé ce qui semblait être un parking privé ; un
panneau indiquait que cela faisait partie du "chantier CSMR",
probablement en lien avec des travaux d'agrandissement d'une résidence pour personnes âgées non loin de là. De l'autre côté, un terrain de sport coupe l'accès depuis la route principale. Sur
la tour elle-même, il n'y avait aucune mention de la signification
historique du lieu, aucun panneau d'information et aucun signe de vie ; ce
n'est qu'en faisant quelques recherches de retour à la maison que
j'ai découvert que le lieu est parfois plus animé et est bien plus qu'une coquille vide.
Cette discrétion est peut-être le souhait de la ville de Podensac. Alors que des amateurs d'architecture se pressent dans la Villa Savoye de Le Corbusier à Poissy, du côté de la Cité Radieuse à Marseille et autour de la Cité Frugès de Pessac (désormais classé patrimoine mondial de l'UNESCO), aucun panneau routier n'indique le chemin vers cette tour qui reste ainsi cachée, hors des sentiers battus, prise en sandwich entre un parking et un terrain de football : le monument historique le plus étrange et le plus improbable de toute la Gironde !
Au moment de sa construction, en 1917, Charles-Édouard Jeanneret-Gris n'avait pas encore adopté son pseudonyme, Le Corbusier. Il avait été sollicité par un ami, le riche entrepreneur girondin François Thévenot, pour concevoir un château d'eau afin d'assurer l'alimentation en eau de sa propriété nouvellement acquise (au cœur de laquelle a été construite sa résidence, le Château Chavat).
Le Corbusier a donc dessiné la tour circulaire en béton armé de 25 mètres, construite par la Société d'application du Béton Armé (SABA), l'organisme qui l'employait à l'époque. Un escalier en colimaçon menait jusqu'au réservoir d'eau de 80 mètres cubes mais, surtout, plutôt que d'être une simple tour opaque, la tour comprenait une pièce en hauteur, entourée de grandes fenêtres offrant une vue panoramique sur les alentours. À quoi servait cette pièce ? Certaines sources la qualifient de « gloriette », simple lieu de détente, mais Le Corbusier parlait plutôt de « garçonnière », ce qui suggère que le lieu aurait également servi de point de rencontre discret pour le propriétaire !
Pour couronner le tout : une terrasse en hauteur, bien que le projet incluait initialement un belvédère supplémentaire qui n'a jamais été rajouté.
À l'époque de la Seconde Guerre mondiale, le château d'eau et les terres environnantes sont devenues la propriété de la commune, qui a alors divisé une partie du terrain en petites parcelles (bien que le château et son parc soient restés plus ou moins tel quel). Le château d'eau avait cessé d'opérer en 1940, et a été rejoint par la suite par une tour plus imposante et plus moderne. La structure signée Le Corbusier est alors tombée dans l'oubli jusqu'à ce qu'elle soit « redécouverte » en 1983 par deux architectes néerlandais.
Le château d'eau n'a pas immédiatement été classé monument historique (une demande faite par la municipalité a été rejetée en 1986) et, en 1987, sa gestion a été confiée (pour une durée de 99 ans) au « Groupe des Cinq », un collectif formé à l'origine par cinq architectes (Laurent Cazalis, Alain Loisier, Bertrand Nivelle, Daniel Sarrazin et Jean de Giacinto) avec comme objectif la protection et la revalorisation de sites historiques, en les associant souvent à des événements culturels. Tout au long de la seconde moitié des années 1990, l'association a ainsi supervisé d'importants travaux menés sur le château d'eau (notamment la toiture, la terrasse, et l'intérieur et les fenêtres de la garçonnière) et, en novembre 2005, le parc Château Chavat, ses parcours d'eau, ses serres et le château d'eau ont tous été classés monuments historiques.
Depuis lors, le Groupe des Cinq travaille à dynamiser le château d'eau, en développant son attrait touristique, pédagogique, culturel et historique. Cela s'est notamment traduit par son inscription sur les cartes touristiques locales, l'accueil de groupes scolaires et l'organisation de diverses expositions ou animations. Citons, par exemple, des « sculptures sonores » réalisées par l'acousticien Didier Blanchard en partenariat avec le compositeur Georges Bloch en 1995, ou encore une lecture de conte accompagnée d'un spectacle de lumières intitulé « Les jardins noctiluques », en 2006.
L'entrée du château d'eau. |
Cette discrétion est peut-être le souhait de la ville de Podensac. Alors que des amateurs d'architecture se pressent dans la Villa Savoye de Le Corbusier à Poissy, du côté de la Cité Radieuse à Marseille et autour de la Cité Frugès de Pessac (désormais classé patrimoine mondial de l'UNESCO), aucun panneau routier n'indique le chemin vers cette tour qui reste ainsi cachée, hors des sentiers battus, prise en sandwich entre un parking et un terrain de football : le monument historique le plus étrange et le plus improbable de toute la Gironde !
Le Corbusier perd la "battle" des châteaux d'eau. |
> Localiser sur la carte Invisible Bordeaux : Podensac water tower, rue Pierre-Vincent, Podensac
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> Un site est entièrement dédié au château d'eau de Podensac :
> Un site est entièrement dédié au château d'eau de Podensac :
http://www.chateaudeaulecorbusier.sitew.fr Parmi les trouvailles sur ce site : images de la tour en construction, plans, etc., voir : http://www.chateaudeaulecorbusier.sitew.fr/#LES_PLANS_.B
Cette simulation 3-D, réalisée par Le Groupe des Cinq, donne une idée de ce à quoi ressemble l'intérieur du château d'eau :
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