Le réveil a été particulièrement matinal le samedi 21 mars 2015. Après m’être difficilement levé, j’ai roulé 85 kilomètres depuis mon dom...

Soulac-sur-Mer : le jour où la résidence du Signal a été transformée en œuvre d’art

Le réveil a été particulièrement matinal le samedi 21 mars 2015. Après m’être difficilement levé, j’ai roulé 85 kilomètres depuis mon domicile dans la banlieue de Bordeaux en direction de Soulac-sur-Mer avec pour seul objectif d’arriver sur le front de mer avant 5h15, afin d’assister à un spectacle sonore et visuel mettant en scène une résidence désormais condamnée, le Signal.

Nuisance visuelle pour les uns, mais lieu d’habitation ou résidence secondaire pour d’autres, le Signal est l’unique aboutissement d’un projet qui prévoyait plusieurs bâtiments de ce type à Soulac. Surtout, lors de sa construction, entre 1965 et 1970, le front de l’océan culminait à quelque 200 mètres au large. Or, depuis cette époque, l’Atlantique gagne chaque année entre quatre et huit mètres sur les terres.

Le Signal, rattrapé par l'océan.
Aujourd’hui, le Signal se trouve donc quasiment les pieds dans l’eau. L’immeuble a notamment été mis à rude épreuve par les conditions météorologiques début 2014 ; l’océan a ainsi été officiellement déclaré vainqueur et les résidents de l’immeuble ont été rapidement expulsés des lieux. Depuis, Le Signal se dégrade à vue d’œil et est devenu le territoire de squatteurs, de pilleurs et de vandales. Les copropriétaires – qui, pour certains, n’ont toujours pas fini de rembourser leurs prêts immobiliers – sont aujourd’hui en pleine bataille juridique afin d’obtenir des indemnisations de la part des collectivités locales et de l’État.

Le Signal est désormais un véritable no man's land.
À l’heure où j’écris ces lignes, cinq copropriétaires ont même entamé une grève de la faim [cette grève de la faim a été abandonnée une dizaine de jours plus tard] dans un but de sensibilisation et pour obtenir plus que ce qui leur est actuellement promis, à savoir une enveloppe d’environ 20 000 € par propriété. Pendant ce temps, la démolition pure et simple de la résidence est désormais à l’ordre du jour, à moins qu’elle ne s’écroule d’elle-même. C’est ainsi dans ce contexte pesant que ce bâtiment abandonné a été transformé en œuvre d’art.

L’événement a été conçu sur une période de six mois par deux artistes bordelais : le plasticien Olivier Crouzel et l’auteure Sophie Poirier. Les deux créateurs ont pénétré dans la résidence afin de la découvrir et de l’observer depuis l’intérieur, leur permettant de mieux comprendre ce que la résidence représentait pour ceux qui y vivaient ou y passaient leurs vacances.


Résultat : un cycle d’environ 12 minutes de films capturés depuis les fenêtres de la résidence, en regardant vers la mer et vers les terres, le tout accompagné d’un texte poignant signé Sophie Poirier, intitulé « 46 fois l’été ». Le texte prend la forme d’une balade d’appartement en appartement, se focalisant sur divers détails et se rappelant les scènes de vie passées, depuis l’enfant qui compte les vagues jusqu’à la présence constante de sable dans les escaliers.

Voici un court extrait de ce spectacle unique :

Le spectacle, dont l’horaire matinal coïncidait avec le premier point culminant de la « marée du siècle », a momentanément permis à la résidence de revivre. Les images et les paroles ont capturé le lieu tel qu’il était, et ont permis d’exprimer le sentiment de perte par rapport au devenir de la résidence. En tant que spectateur, l’impression était d’assister aux obsèques d’un inconnu, que l’on a appris à connaître au fil de ces 60 minutes.

Je me sens privilégié d’avoir été parmi les 150 personnes qui se sont levés tôt ce matin-là afin d’être témoins de cet émouvant hommage artistique à la résidence mal-aimée de Soulac. La lumière aura ainsi brillé non seulement sur la façade du bâtiment mais aussi, par procuration, sur ses résidents, mettant en exergue la lutte qui est la leur depuis l’effondrement du sol sous les pieds du Signal.

Ces graffiti étaient, très justement, au "cœur" du spectacle.

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