Un drôle de monument accueille les visiteurs qui arrivent à Eysines depuis le Taillan : une pomme de terre géante qui semble être tombée tout droit d’un dessin d’enfant. Et, à peu de chose près, c’est précisément ce qui s’est produit puisque cette pomme de terre géante et son rond-point ont été imaginés par les membres du conseil municipal des jeunes, le tout pour matérialiser les liens particuliers entre la ville d’Eysines et ses pommes de terre.
Cette spécialité à part doit tout à la « vallée des Jalles » qui traverse la ville ; les jalles forment tout un réseau de ruisseaux et rivières qui s’échappent vers l’est pour rejoindre la Garonne ou l’estuaire de la Gironde. Pendant de longues années, des moulins à eau exploitèrent les courants de la jalle d’Eysines pour produire des farines vendues à des clients bordelais. Aujourd’hui, le vestige le plus important est le magnifique Moulin Blanc, devenu un restaurant et lieu de réception, le Bistrot de la Jalle.
Tout autour, les riches terres marécageuses servirent à cultiver des légumes à une telle échelle que la zone fut surnommée le « potager de Bordeaux » et le fer de lance de la production était cette pomme de terre d’Eysines dont l’âge d’or se situe à la fin du 19e siècle… période à laquelle de nombreux terrains dédiés à la culture des vignes devinrent littéralement des champs de patates suite au passage du phylloxéra (des insectes homoptères). Parmi les autres légumes cultivés localement à cette époque (et encore aujourd’hui), il y a également le « giraumon brodé galeux d’Eysines », un cousin du potiron à la peau épaisse et rugueuse, à déguster de préférence sous forme de potage. Environ 600 personnes cultivaient alors les terres et actuellement une quinzaine d’enseignes opèrent encore et toujours.
À quoi ressemble donc cette fameuse pomme de terre ? Je me suis présenté à un étalage situé au bord d’une route et me suis procuré quelques échantillons avant de suivre la recette en deux temps qui est préconisée par les experts en la matière : d’abord cuire les pommes de terre (à la vapeur ou dans une casserole d’eau bouillante) puis les faire frire dans un mélange de beurre et d’huile. Je fus d’abord surpris par la maigre épaisseur de la peau des pommes de terre, par leur fermeté et par leur couleur extrêmement pâle une fois pelées.
La première étape « cuisson » ne dura pas longtemps. Au bout d’à peine cinq minutes je sentis qu’elles n’étaient plus fermes et furent prêtes pour le transfert vers la poêle, assaisonnées au passage d’une ou deux pincées de sel et poivre. Quelques minutes plus tard, les pommes de terre étaient prêtes et, en toute honnêteté, elles étaient succulentes et fidèles à leur réputation : douces (merci au sol humide et aux eaux des jalles) et raffinées. Je comprenais mieux pourquoi la pomme de terre d’Eysines était autrefois servie à bord du paquebot de luxe Le France pour ravir ses voyageurs si exigeants.
Moment de gloire pour les pommes de terre dans la cuisine Invisible Bordeaux : épluchez, coupez, faites bouillir puis revenir et consommez le tout avec beaucoup de plaisir ! |
La municipalité n’est pas en reste puisqu’elle cherche également à capitaliser sur ce patrimoine à part en organisant expositions et ateliers pour petits et grands, ou encore par le biais de la création d’un jardin pédagogique où les Eysinais peuvent se familiariser avec la culture des légumes.
Enfin, depuis 2005, la vallée des Jalles accueille chaque printemps une course pédestre, le « Raid des Maraîchers ». Mais nul besoin d’attendre la prochaine édition pour découvrir cette zone à part qui propose un cadre idyllique pour une balade à pied, à vélo ou un parcours de footing, le tout à moins de dix kilomètres du cœur de Bordeaux !
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