À divers endroits dans le paisible quartier de Caudéran dans le secteur ouest de Bordeaux, des traces peuvent encore être aperçues des armoiries datant de l’époque où Caudéran était encore une commune à part entière. Étonnamment, ce blason comporte trois escargots. Il doit forcément y avoir une très bonne explication, non ?
Caudéran était une ville indépendante jusqu'en 1965, date à laquelle elle a fusionné avec son imposant voisin bordelais, une évolution qui était sans doute dans l'intérêt de tous, bien que l'on murmure par ci et par là que le maire d’alors de Bordeaux, Jacques Chaban-Delmas, était particulièrement bien placé pour en tirer bénéfice. En effet, en rejoignant Bordeaux, les 29 000 habitants de ce quartier aisé (souvent surnommé le « Neuilly de Bordeaux ») viendraient gonfler le vivier électoral du conservateur Chaban-Delmas. En retour, les Caudéranais ont néanmoins réussi à garder leur propre code postal 33200…
Source : Wikipédia. |
Tout cela est très bien, mais quid des escargots ? Eh bien, il s'avère que pendant une grande partie du 19e siècle et jusqu'aux premières années du 20e siècle, Caudéran ne jouissait pas encore du statut bourgeois qui est aujourd’hui le sien ; il s’agissait plutôt d’un territoire plus rustique où l'on recensait 70 bars, auberges, cabarets et guinguettes... le tout à deux pas de Bordeaux mais néanmoins de l’autre côté des barrières de la ville et de ses bureaux d'octroi (sujet déjà couvert sur Invisible Bordeaux), mis en place pour percevoir des taxes sur les biens qui entraient dans la ville. En quelque sorte, vous l’aurez compris, Caudéran était un havre de plaisirs « duty-free » !
Le jour le plus célèbre et le plus festif de l'année à Caudéran était alors le mercredi des cendres : afin de repousser d’encore quelques heures les devoirs du carême et de l’inévitable sevrage suite à la semaine du carnaval et des excès du mardi gras, les purs Bordelais se rendaient en masse à Caudéran (masques et déguisements de rigueur) pour une ultime journée de fêtes bon-enfant où l’aliment de base était une assiette d’escargots !
Le jour le plus célèbre et le plus festif de l'année à Caudéran était alors le mercredi des cendres : afin de repousser d’encore quelques heures les devoirs du carême et de l’inévitable sevrage suite à la semaine du carnaval et des excès du mardi gras, les purs Bordelais se rendaient en masse à Caudéran (masques et déguisements de rigueur) pour une ultime journée de fêtes bon-enfant où l’aliment de base était une assiette d’escargots !
Place Lestonnat : l’un des centres de gravité incontournables des fêtes du mercredi des cendres à Caudéran. |
Car, parmi les vignes, les fleurs et les marécages de la région à l'époque, les escargots étaient monnaie courante et étaient devenus une véritable spécialité locale fournie par ces « cagouillards » de Caudéran (de « cagouille », terme charentais pour un escargot utilisé également dans le patois « bordeluche »). Pour preuve, l'un des restaurants les plus célèbres de Caudéran à l'époque, sur la place de Lestonnat, n'était autre que « À la Renommée des Escargots ». Quand un journal local pour les habitants de Caudéran fut lancé en 1896 (depuis des bureaux en plein centre-ville de… Bordeaux), il fut naturellement baptisé « L'Escargot ». Enfin, Caudéran a même incorporé l’escargot dans la devise de la ville, en gascon dans le texte : « Lou limac cendrenous a fait ma renoumade » (l’escargot des cendres a fait ma renommée).
Cette tradition du mercredi des cendres s'est éteinte à l’époque de la Première Guerre mondiale, alors que Caudéran commençait à se développer pour devenir le quartier résidentiel que nous connaissons désormais. Mais l'escargot a bien survécu sur les armoiries de la ville, d'où les motifs que l'on devine encore sur la façade de l’ancienne mairie, au-dessus de la porte du commissariat municipal et sur le monument aux morts où le statut de Caudéran en tant que « ville » demeure, taillé dans la pierre.
Cette tradition du mercredi des cendres s'est éteinte à l’époque de la Première Guerre mondiale, alors que Caudéran commençait à se développer pour devenir le quartier résidentiel que nous connaissons désormais. Mais l'escargot a bien survécu sur les armoiries de la ville, d'où les motifs que l'on devine encore sur la façade de l’ancienne mairie, au-dessus de la porte du commissariat municipal et sur le monument aux morts où le statut de Caudéran en tant que « ville » demeure, taillé dans la pierre.
L’ancienne mairie (désormais une mairie de quartier). |
Le curieux commissariat de police. |
Le monument aux morts où Caudéran sera à jamais une commune à part. |
Sur place je consulte les menus de quelques restaurants et ne trouve aucune mention de cette ancienne spécialité locale (il s’agit là de la première fois où j'ai été déçu de ne pas trouver des escargots parmi les options culinaires proposées !). Cependant, le lien privilégié entre Caudéran et l’escargot renaît… de ses cendres : l'association Vivre à Caudéran a notamment commencé à organiser une toute nouvelle « Fête de l’Escargot » tous les mois de juillet sur la place de l'église de Caudéran.
De plus, le goût de ces escargots de Caudéran se perpétue, transmis par des générations de Bordelais. Par exemple, on peut facilement se procurer des "Escargots à la Bordelaise" en conserve, et de nombreuses recettes sont disponibles en ligne... bien que personnellement j'hésite encore à les tester. Bon appétit quand même !
> De nombreuses informations dans ce dossier ont pour source un article rédigé par Philippe Prévôt et Richard Zéboulon (sous le nom de plume de Cadish) pour Sud Ouest et qui figure également dans leur ouvrage Bordeaux, petits secrets et grandes histoires, ainsi que l’entrée sur Caudéran dans l’excellent Blasons des communes de la Gironde de Jean-Jacques Déogracias (merci Guillaume !).
De plus, le goût de ces escargots de Caudéran se perpétue, transmis par des générations de Bordelais. Par exemple, on peut facilement se procurer des "Escargots à la Bordelaise" en conserve, et de nombreuses recettes sont disponibles en ligne... bien que personnellement j'hésite encore à les tester. Bon appétit quand même !
> De nombreuses informations dans ce dossier ont pour source un article rédigé par Philippe Prévôt et Richard Zéboulon (sous le nom de plume de Cadish) pour Sud Ouest et qui figure également dans leur ouvrage Bordeaux, petits secrets et grandes histoires, ainsi que l’entrée sur Caudéran dans l’excellent Blasons des communes de la Gironde de Jean-Jacques Déogracias (merci Guillaume !).
> Merci à Vincent pour quelques précisions linguistiques !
> This article is also available in English!
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Merci pour cet article ! Je l'ai trouvé très intéressant et insole.
RépondreSupprimerSi c'est le cas, mission accomplie ! Merci Fleur !
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