La rue de la Rousselle, qui relie le cours d’Alsace-et-Lorraine au cours Victor-Hugo, est l’une des plus jolies petites rues du vieux B...

Les vraies (et fausses ?) vieilles enseignes de la rue de la Rousselle

La rue de la Rousselle, qui relie le cours d’Alsace-et-Lorraine au cours Victor-Hugo, est l’une des plus jolies petites rues du vieux Bordeaux. En fait, elle est tellement pittoresque qu’elle a servi de décor à de nombreuses scènes de films tournés dans la ville, y compris des productions récentes telles que 2 Automnes 3 Hivers (sorti en 2013), Compte tes blessures (2016) et Le vice caché des Navajos (également 2016).

On trouve aussi sur la rue de la Rousselle l'une des plus fortes concentrations de « ghost signs », ces vielles publicités et enseignes peintes à la main qui sont un thème récurrent sur le blog Invisible Bordeaux. Mais combien de ces enseignes sont réelles et combien sont des restes de décors de films ?

Le point de départ de cette énigme a été la découverte de l'enseigne « Steenvoorde » au-dessus de ce qui semble être un garage. Avec un peu d’aide de correspondants sur les réseaux sociaux, il a été rapidement établi que Steenvoorde était bien une entreprise du monde réel (et, qui plus est, le nom d'une ville du nord de la France), plus précisément une entreprise laitière fondée en 1911, qui a changé son nom en Stenval dans les années 1960 avant d'être repris par le groupe Gervais / Danone. Bien que la plupart des activités de la société d’origine aient progressivement fusionné avec la production de Danone, le site d’origine continue de produire du lait pour bébé sous la marque Blédina.


Grâce à une rencontre fortuite sur place, le propriétaire de l'immeuble lui-même m'a confirmé qu'il s'agissait bien d'une véritable enseigne et que, lorsqu'il a acquis l'immeuble il y a plusieurs années, le rez-de-chaussée était encore un dépôt de lait et de fromage. Il a aussi ajouté que les visiteurs du nord de la France étaient généralement ravis de repérer le nom Steenvoorde au-dessus de cette porte, car cela leur rappelait « leur chez eux et de bons souvenirs d'une époque lointaine ».

Mon nouveau consultant personnel croyait également que l’une des plus célèbres vieilles enseignes de Bordeaux, qui annonce le « Dépôt des biscuits Léon », était également authentique, tout en pensant que le signe avait été restauré ces dernières années. (Ceci se confirme en parcourant les archives du blog.) Bien qu'une recherche Google des « Biscuits Léon » n'ait donné aucun résultat, heureusement d'autres connaissances sur les réseaux sociaux ont pu confirmer que la maison Léon a bel et bien existé. Réputée, d'après ses réclames, pour ses petits beurres et ses gaufrettes vanille, les « Biscuits Léon de Paris » avaient en réalité comme ville d'attache Maisons-Alfort (aujourd'hui en Val-de-Marne). 

Les gardiens de ponctuation remarqueront que les guillemets sont ouverts devant le nom Léon, mais ne figurent pas après.
En regardant de plus près, on remarque que la dernière couche de peinture est encore relativement jeune.
Source : delcampe.net (merci Rosine).

Un peu plus loin dans la rue, il est fort probable que cette enseigne soit tout à fait réelle, en remarquant l'usure des années. Les lettres que l'on perçoit au-dessus des fenêtres forment l'inscription « Entrepôts J-E Bonnel & Cie », tandis que deux panneaux verticaux indiquent « Transit » et « Camionnage ». Bonnel & Compagnie fournissait donc des prestations de transport et de manutention.


Les deux commerces suivants pourraient bien être des œuvres de fiction. Le premier est un cordonnier qui se présente également comme un « spécialiste lacets », opérant sous le charmant nom de « Aux Galoches Réunies » (dans la version anglaise de ce dossier, j'ai proposé comme traduction le très footballistique « Shoes United »... difficile d'y intégrer le double sens du mot galoche !). Le second est le coiffeur Antonio Martinez, où l'enseigne en papier adhésif a connu des jours meilleurs. Bien que ce nom ait résisté jusqu'en 2019, il semble qu'il ne tienne plus qu'à un fil... ou à un cheveu ! 


Vient ensuite le plus photogénique de tous, un établissement baptisé « Café Cardinal », qui fournissait également du bois de chauffage et du charbon, et dont le propriétaire était un certain E. Vaton. Mon correspondant Steenvoorde était convaincu qu'il s'agissait vraiment d'un café dans une vie passée mais que l'enseigne peinte est un ajout récent. Encore une fois, tout cela est très difficile à vérifier. Quoi qu’il en soit, il existe deux certitudes : aujourd’hui, le « café » est une maison particulière et, comme le rappelle une plaque murale, il est situé à l’endroit même où Michel Montaigne, le célèbre et influent penseur du XVIe siècle ainsi que maire de Bordeaux, a vécu avec sa famille.


Enfin, du côté d’une petite place où la rue de la Rousselle rejoint la rue du Puits-Descazeaux, il serait formidable de se dire que ce panneau en imitation marbre annonçant « Service départemental, Architecture » remonterait à l’époque gallo-romaine. C’est bien sûr un ajout bien plus récent qui a marqué l'arrivée dans cet immeuble d'un cabinet d'architectes. Les architectes ont désormais quitté le lieux et cette partie de l'immeuble est maintenant une crèche d'entreprise !


Cette modeste enquête comporte donc quelques questions ouvertes et des mystères non résolus, combinés à quelques réelles traces du passé. Mais cet article ne demande qu'à évoluer au fil du temps sur la base des retours de lecteurs. Contactez-moi si je suis passé à côté d'informations essentielles, ou si vous avez gardé des souvenirs de votre café quotidien au Café Cardinal, ou encore si vous pouvez m'aider à faire la part du vrai et du faux, et à identifier les enseignes conçues simplement pour le grand écran ! À suivre ?...

> Localisez sur la carte Invisible Bordeaux : rue de la Rousselle, Bordeaux
> Un grand merci à l'auteure Sophie Poirier qui a soulevé ce sujet des vraies / fausses enseignes sur la rue de la Rousselle, à Tobye du côté d'Instagram qui m'a mis sur la bonne piste par rapport à Steenvoorde, à Rosine Duet pour les informations sur les Biscuits Léon, et surtout à Jérôme Mabon de l'excellent site États Critiques (fortement conseillé aux cinéphiles bordelais !), qui a identifié et visionné les films cités dans l'article...  même si les mystères demeurent !

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