Sur la dernière ligne droite avant d'arriver à l'aéroport de Bordeaux-Mérignac, on passe inévitablement devant un mystérieux terrain vague. Pourtant, cette zone n'a pas toujours été ainsi : au fil des années s'y trouvaient une base aérienne de l'US Air Force puis une cité résidentielle. Désormais, une métamorphose s'annonce car des travaux débuteront prochainement sur la création de bureaux, d'un hôtel et d'un centre de congrès. Il est donc grand temps de dénicher l'histoire qui va avec !
Rembobinons au début des années 1950 et une période où l'aéroport se remettait tout doucement de la Seconde Guerre mondiale (récit complet à retrouver dans
un ancien billet Invisible Bordeaux). En ces temps de montée en puissance de la Guerre Froide,
les forces
aériennes des États-Unis en Europe cherchaient à établir des bases à
l'ouest du Rhin, hors d'atteinte d'attaques potentielles par l'URSS.
Alors que la
base militaire historique au sud de l'aérodrome (BA 106) venait d'être
restituée à l'armée de l'Air française, cette zone située à l'est de
l'aérodrome fut donc proposée aux forces de l'OTAN début 1951. En
août de cette même année débute ainsi la construction de nouvelles installations dédiées. Avant
la fin de l'année, c'est la 126th Bombardment Wing de l'US Air Force, ses 48 bombardiers Douglas B-26 Invader et trois transports militaires
C-47 qui prirent possession des lieux.
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Voici, à peu de chose près, la vue du même lieu aujourd'hui. À peine croyable, non ? |
La base était un
véritable village qui s'est développé autour de deux grands hangars
dédiés à l'entretien d'aéronefs et au stockage d'approvisionnements. Un plan datant de cette époque démontre l'étendue des installations disponibles pour
les militaires, dont les bases américaines d'origine se trouvaient dans l'Illinois
et le Missouri. Malheureusement, il y est indiqué que le « théâtre » restait inachevé. Les militaires étaient sans doute à court de divertissement !
Il y avait alors de
grands projets pour que la base se développe davantage en vue de devenir
le centre européen du US Military Air Transport Service et ainsi héberger différentes unités clés de combat, de
sauvetage et de formation. Cependant, cette stratégie
n'était pas en phase avec la volonté des autorités françaises de relancer les activités
de transport de passagers de l'aéroport (la première aérogare, située au nord de l'aérodrome, fut détruite
pendant la Seconde Guerre mondiale). Ces plans furent donc rapidement abandonnés.
En 1952, après
seulement six mois, la 126th Bombardment Wing s'installa à Laon
dans le nord-est de la France et fut remplacée par le 12th Air Rescue Group avec sa flotte d'hélicoptères Sikorsky H-19B et
d'hydravions Grumman SA-16 Albatross. Son séjour fut
également éphémère et la base devint le foyer du 7413th Air Base Group,
une unité d'entraînement et de soutien pour le personnel de l'USAF en
transit, dont la présence devait également préparer le terrain pour la création d'une base logistique capable de recevoir et équiper d'autres militaires en cas de déploiement massif en Europe.
Au milieu des années
1950, les tensions s'intensifièrent entre les forces américaines et
les autorités françaises, restées fidèles à leur projet de création d'un
grand aéroport civil. Finalement, en octobre
1958, l'US Air Force ferma définitivement la base militaire, évoquant officiellement des raisons économiques. La voie fut ainsi dégagée pour la construction d'une toute nouvelle aérogare inaugurée en 1960. (Bien qu'à peine repérable suite à de nombreuses modifications et extensions, le bâtiment existe encore aujourd'hui, s'agissant du cœur du Hall A.)
En parallèle,
la
zone libérée par la base aérienne devint la cité Maryse
Bastié, comprenant une dizaine de maisons composées de deux habitations mitoyennes sans étage, construites principalement pour loger des employés du nouvel
aéroport. Il n'y a aucune photo traditionnelle à l'appui mais le toujours excellent site "Remonter le Temps" de l'Institut Géographique National propose des clichés aériens comme cette vue de 1970, qui donne une
bonne idée de l'échelle des résidences.
À quel moment la cité fut-elle démolie ? Fin des années 1990 ? Confirmation à venir éventuellement mais, quoiqu'il en soit, il est évident qu'aujourd'hui il n'en reste rien, bien qu'en observant la vue sur GoogleEarth on devine encore l'ossature de l'ancienne infrastructure routière. Mais en dehors de ces quelques traces de macadam, la zone semble bien être le territoire exclusif d'arbres et autres végétaux.
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La même zone vue depuis GoogleEarth, dont des traces d'anciennes routes... et la mention "Cité Maryse Bastié". |
Afin d'avoir le cœur net,
je me suis rendu sur place. Paradoxalement pour une zone qui a vu passer 6 millions de passagers aériens en 2017, j'étais bien seul au monde mis à part quelques lapins sauvages. Et, contrairement à d'autres terrains vagues urbains, le lieu ne semblait pas non plus être devenu un terrain de jeu pour les jeunes du quartier ; la seule trace d'activité humaine était la carcasse d'un scooter brûlé. Mais l'ancienne infrastructure routière était bien présente et il était étrange d'apercevoir d'anciens bouts de trottoirs où les riverains marchaient autrefois. Il y avait un véritable sentiment de village fantôme.
Mais les choses vont changer car les travaux vont bientôt démarrer sur "le 45e Parallèle", un tout nouveau parc d'activités. L'aménagement
comprendra un hôtel quatre étoiles de 154 chambres et un centre de
conférences de 1 400 places, ainsi que cinq immeubles de bureaux et un
parking pour 1 000 véhicules. Le projet prit d'abord forme en 2012, porté par un consortium conduit par la société Thalium
Promotion, placée en liquidation judiciaire en 2016. La SA Aéroport de Bordeaux-Mérignac, propriétaire du terrain, confia alors le projet, d'un montant de 80 millions d'euros, à la société Nexity, qui s'engage à retenir les plans initiaux.
L'ouverture du
complexe est prévue pour 2020, les travaux devraient donc commencer sous peu - les permis d'aménagement sont bien visibles sur place ! Tout comme
les militaires américains et les employés de l'aéroport résidents de la cité Maryse Bastié avant eux, les lapins sauvages et le scooter carbonisé devront bientôt trouver un nouveau foyer !
> Localiser sur la carte Invisible Bordeaux : Urban wasteland, Bordeaux-Mérignac airport
La cité Maryse Bastié était en fait composé de 11 maisons,chacune étant composé de 2 habitations mitoyenne sans etage et non d'immeubles.
RépondreSupprimerUn collegue y a habité durant les années fin 90 avant l'abandon et la destruction de ces maisons. Ayant eu l occasion d'aller chez lui , elles etaient relativement spacieuses et bien construite.
Point de village , c' était simplement un petit lotissement quand meme un peu isolé.
Super, merci pour ces précisions !
SupprimerBonjour Tim
RépondreSupprimerMerci pour cette enquête de terrain passionnante !
Erwan
Hello Tim, many thanks for the interesting article on a very important part of AF military history. My father was assigned to the 126th B Group at B-M in 1951. He was an aircraft maintenance supervisor/inspector. I am very interested in obtaining copies of photos of the B-M Air Base during the period it was occupied by the U.S. and was wondering if you had any sources you could recommend to me for obtaining photos. I have searched the internet and have found a few photos of the planes that were in service at the time. I also have 3 photos of my father standing in front of tents on the base and am happy to share, if anyone is interested. Kind regards, Elaine
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