Lecot resta archevêque de Bordeaux jusqu'à sa mort mais fut également élevé cardinal en 1893 par le pape Léon XIII et nommé cardinal-prêtre à la basilique Santa Pudenziana à Rome l'année suivante. Il était l'un des membres du conclave qui élit Pie X, et était lui-même légat papal lors des célébrations tenues à Lourdes en 1908 pour marquer le cinquantième anniversaire des apparitions supposées de la Vierge Marie à Bernadette Soubirous.
En France, le début du XXe siècle fut une période tumultueuse, avec la scission officielle entre l'Église et l'État (et le début du statut laïque de la République française) intervenant en 1905 après 25 années de débats acharnés opposant différents ponts de vue sur le rôle de l’Église. Comme vous pouvez l'imaginer, Lecot soutenait le maintien des liens étroits entre l'Église et l'État, faisant parallèlement tout son possible pour éviter toute forme de conflit, même s'il était impuissant face aux nombreuses manifestations houleuses qui rythmèrent ces années.
Les tensions étaient encore vives lorsque Lecot mourut le 19 décembre 1908 à Chambéry, dans l'est de la France. Et ses obsèques eurent donc lieu onze jours plus tard, le 28 décembre, à Bordeaux. Les autorités savaient que le cortège funèbre attirerait des milliers de personnes mais aussi, vu le contexte, que l'événement pourrait facilement provoquer des incidents.
Le récit le plus complet est signé par une certaine Annie Ribette et est à découvrir sur le site des Cahiers d’Archives. Ribette précise que l'édition du lendemain du Nouvelliste rapportait que près de 2 000 hommes (militaires et gendarmes) étaient en position à partir de sept heures du matin pour maîtriser les foules le long du parcours du cortège funèbre et empêcher les intrus de s'y infiltrer (un laissez-passer dédié était nécessaire pour rejoindre les rangs de la procession).
Le dossier d'Anne Ribette contient de nombreux documents d’archives, dont ce laissez-passer officiel qui annonce « la levée du corps à neuf heures du matin dans l’église Notre-Dame ». La fameuse série de cartes postales nous montre que le cortège se dirigea ensuite vers la place de la Comédie et le long du cours de l'Intendance, avant de descendre la rue Vital-Carles (où se trouvait l'ancienne résidence officielle de l'archevêque de Bordeaux, devenue alors la résidence du préfet de Gironde, source de tensions palpables...) puis de rejoindre la place Pey-Berland, sans doute avant de finir à la cathédrale Saint-André, bien qu'on ne sache pas si les restes de Lecot ont été immédiatement déposés à la tombe où il repose encore aujourd'hui.
Le cortège se déplace sur la place Pey-Berland.
Même sans cette reconnaissance républicaine, la portée historique de l'événement n'échappa à personne. De nombreuses demandes d'autorisation furent déposées en vue de capturer l'événement sur pellicule en cette ère des débuts de la cinématographie. D'ailleurs, en regardant de près les images de la procession de la place de la Comédie, on ne peut être que frappé par le nombre de photographes et cinéastes présents. Mais au-delà des images fixes telles que celles présentées ici, combien d'images de cette couverture cinématographique ont survécu jusqu'à nos jours ?
Les photographes et cinématographes assemblés place de la Comédie.
Et quelles traces subsistent du cardinal Lecot lui-même dans la ville ? Bien sûr, le mémorial le plus symbolique et le plus important n’est autre que la tombe monumentale du cardinal à l’intérieur de la cathédrale Saint-André. Son prénom a également été donné à l'église Saint-Victor, rue Mouneyra, une église fondée en 1905 alors que Lecot était encore archevêque de Bordeaux, bien que l'édifice actuel ait été construit durant la période de la Seconde Guerre mondiale et finalement consacré en 1947. Enfin, une rue porte son nom à Bordeaux et il y a même un arrêt de bus "Cardinal Lecot" à Blanquefort, signe de reconnaissance amplement mérité pour ce grand homme. Il y a bien une explication : l'arrêt se trouve près de là où se trouvait jadis le château viticole de Gilamon (devenu le... château Larchevesque), à savoir la propriété et lieu de résidence de Lecot suite à son départ de la rue Vital-Carles.
Ci-dessus - Le cardinal Lecot repose en paix dans la cathédrale de Bordeaux.
Ci-dessus - l'église Saint-Victor, rue Mouneyra. Ci-dessous - L'hommage ultime, un arrêt de bus à Blanquefort.
Et, bien sûr, il reste ces images incroyables de la ville, montrant des scènes que Bordeaux a peu de chances de revoir de si tôt... et des scènes qui à elles seules ne racontent pas toute l'histoire !
> Localiser l'église Saint-Victor sur la carte Invisible Bordeaux : rue Mouneyra, Bordeaux.
> Source photo du cardinal Lecot : Wikipédia
> Comme ce l'est précisé plus haut, le récit le plus complet de cet événement est à retrouver sur le site internet des Cahiers d'Archives website
> This article is also available in English!
0 commentaires: