Nous sommes à Lacanau-Océan, sur la côte atlantique à une soixantaine de kilomètres à l'ouest de Bordeaux, et nous sommes à l'e...

Notre-Dame des Flots, l'église atypique labellisée Patrimoine du XXe siècle à Lacanau-Océan


Nous sommes à Lacanau-Océan, sur la côte atlantique à une soixantaine de kilomètres à l'ouest de Bordeaux, et nous sommes à l'extérieur d'un bâtiment angulaire qui pourrait facilement être confondu avec des bureaux ou un entrepôt, voire un supermarché. Il s'agit en fait d'une église, Notre-Dame des Flots, et ce lieu atypique, son curieux design minimaliste et son architecture en briques rouges ont été labellisés « Patrimoine du XXe siècle » ! Quelle est l'histoire qui va avec ?

En 1907, alors que la station balnéaire de Lacanau-Océan était encore toute jeune, l'un des premiers promoteurs immobiliers érigea une petite chapelle en bois, rue de la Paix non loin du bord de mer, pour permettre aux vacanciers d'assister à des messes qui, à partir de 1920, avaient lieu quotidiennement pendant la saison estivale. Bien qu'elle ait été agrandie au fil du temps, la chapelle se révéla finalement trop petite. De plus, elle devait faire face à deux menaces : être engloutie par les dunes de sable et / ou rongée lentement par les termites ! 

La première chapelle dans les dunes. Notons à droite la fenêtre supplémentaire ajoutée suite à son agrandissement. Source photos : delcampe.net
La chapelle fut abandonnée et détruite, et la décision fut prise de construire un édifice plus durable. Un terrain plus important fut acquis par le diocèse de Bordeaux en 1960, l'achat coïncidant avec la création d'une structure paroissiale locale, l'Association Paroissiale de Lacanau-Océan. Pendant cette période de transition, des messes furent organisées sur place en plein air. Mais, vues les fréquentes intempéries, une nouvelle structure temporaire en bois fut bientôt construite sur ce nouvel emplacement.

En 1964, un accord fut ratifié par les représentants de l'archevêque de Bordeaux, le curé de Lacanau et le président de l'Association paroissiale s'engageant à la construction d'une nouvelle église, selon les plans de Patrick Maxwell, Jean-Claude Moreau et Francis Duclos (architectes Agora). Les finances prirent la forme d’un prêt des Chantiers Diocésains de l’Église catholique ; les 220 000 francs allaient devoir être remboursés en 20 versements annuels de 17 000 francs (en faisant le calcul, il est facile de comprendre qu'il y avait des taux d'intérêt conséquents !). Afin de rembourser la dette, la paroisse signait donc pour des années de kermesses, quêtes et collectes, ou de location de l'église comme salle de spectacle. (Elle reste aujourd'hui encore une salle de concert occasionnelle.)

Pose de la première pierre en 1964.
Source photo : fiche historique
disponible dans l'église.
La première pierre fut posée par le cardinal archevêque de Bordeaux Monseigneur Richaud en août 1964. Des contraintes budgétaires conduisirent à des plans revus à la hâte pour le bâtiment, ce qui aboutit peut-être à ce produit relativement rudimentaire livré en 1967. À certains égards, il s'agissait d'une conception modulaire : grâce à l'utilisation de panneaux, une partie chauffée du bâtiment pouvait à l'origine être isolée pour servir de chapelle d'hiver pour les fidèles présents à l'année, tandis que l'espace complet n'était utilisé que lorsque l'église fonctionnait à plein régime pendant la saison estivale, où il pouvait accueillir jusqu'à 600 visiteurs. Le bâtiment comprenait également un petit appartement où les prêtres en résidence pouvaient séjourner.

Mais ces contraintes budgétaires susmentionnées allaient avoir d'autres effets collatéraux dix ans plus tard, quand il fut constaté que la structure en fer n'était que peu adapté à l'air marin, que certains des matériaux n'étaient pas de la meilleure qualité, que le toit était tout sauf étanche et que l'installation électrique devait être remplacée. Le bâtiment subit donc une refonte massive et au cours de la décennie suivante, la paroisse concentra davantage son budget à l'entretien de l'église qu'au remboursement de sa dette.

Brique et mortier.
En 1991, le bâtiment fut grandement embelli par l'installation de quelques vitraux et un émail de Raymond Mirande fabriqués par les verriers Ateliers Dupuy-Fournier, ainsi que par l'ajout d'une mince rangée de vitraux qui longent chaque côté de l'église juste en dessous de la hauteur du plafond. Parmi les principales créations de Raymond Mirande, qui sont positionnées derrière l'autel, la première représente l'arche de Noé, la seconde la Vierge Marie et son fils adolescent, et la troisième comprend une série d'images allant d'une colombe de paix à des représentations de la Pentecôte et de Jérusalem.

Les vitraux et l'émail derrière l'autel, et les vitraux qui longent les deux côtés du bâtiment.
Un des vitraux Mirande. Crédit photo Harvey Morgan (https://avec33.fr/).
La vie de l'église suivit son cours jusqu'en 2000, lorsqu'un rapport de sécurité conclut qu'elle n'était pas aux normes en termes d'ouvertures et ne pouvait raisonnablement accueillir que 200 personnes au lieu de 600 ! La paroisse travailla avec un architecte pour créer des issues supplémentaires afin de permettre à l'église de reprendre ses activités à pleine capacité au cours des premières années du 21e siècle, période notamment marquée par l'attribution, en septembre 2015, juste avant le 50e anniversaire, du prestigieux label « Patrimoine du XXe Siècle ». Hourra !

L'extérieur de l'église, dont la grande entrée principale et, en bas à gauche, l'arrière du bâtiment comprenant l'appartement à l'étage.
L'église n'est généralement pas ouverte au grand public en dehors des messes, mais en visant récemment une arrivée sur place vers midi un dimanche, la porte était encore ouverte et, en compagnie de quelques amis, nous avons pu rentrer et avons été chaleureusement accueillis par deux dames en pleine séance de rangement après la messe du jour. Nous avons fait en sorte de ne pas trop nous attarder mais nous avons trouvé le temps d'admirer les vitraux et une cloche de 330 kilos qui est conservée à l'intérieur et qui était auparavant la propriété d'un couvent à Lyon.

Vue générale de l'intérieur de l'église et la cloche lyonnaise. Remarquez le plafond / toit en tôle ondulée ; le bruit doit être assourdissant lorsqu'il pleut !
Nos hôtes nous ont également conduits spontanément aux dépliants détaillant l'histoire de l'église, car elles ont rapidement précisé qu'il y avait peu ou pas d'informations disponibles sur Internet. Voilà qui est donc réglé par la publication de ce dossier Invisible Bordeaux, rédigé presque exclusivement sur la base des informations d'archives contenues dans un de ces dépliants réalisés par l'Association Paroissiale de Lacanau-Océan. Un grand merci à ces anonymes qui ont ainsi partagé l'histoire de Notre-Dame des Flots… sans aucun doute l'un des lieux de culte les plus intéressants et insolites de la Gironde !

> Localiser sur la carte Invisible Bordeaux : Notre-Dame des Flots, 12 avenue de l'Adjudant Guittard, Lacanau-Océan
> Un grand merci aux deux dames très sympathiques qui nous ont permis de voir l'intérieur de l'église, ainsi qu'aux rédacteurs de la fiche d'information historique éditée par l'Association Paroissiale de Lacanau-Océan dont le contenu a largement alimenté ce dossier ! 
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