Nous sommes à Lacanau-Océan, sur la côte atlantique à une soixantaine de kilomètres à l'ouest de Bordeaux, et nous sommes à l'e...

Notre-Dame des Flots, l'église atypique labellisée Patrimoine du XXe siècle à Lacanau-Océan


Nous sommes à Lacanau-Océan, sur la côte atlantique à une soixantaine de kilomètres à l'ouest de Bordeaux, et nous sommes à l'extérieur d'un bâtiment angulaire qui pourrait facilement être confondu avec des bureaux ou un entrepôt, voire un supermarché. Il s'agit en fait d'une église, Notre-Dame des Flots, et ce lieu atypique, son curieux design minimaliste et son architecture en briques rouges ont été labellisés « Patrimoine du XXe siècle » ! Quelle est l'histoire qui va avec ?

En 1907, alors que la station balnéaire de Lacanau-Océan était encore toute jeune, l'un des premiers promoteurs immobiliers érigea une petite chapelle en bois, rue de la Paix non loin du bord de mer, pour permettre aux vacanciers d'assister à des messes qui, à partir de 1920, avaient lieu quotidiennement pendant la saison estivale. Bien qu'elle ait été agrandie au fil du temps, la chapelle se révéla finalement trop petite. De plus, elle devait faire face à deux menaces : être engloutie par les dunes de sable et / ou rongée lentement par les termites ! 

La première chapelle dans les dunes. Notons à droite la fenêtre supplémentaire ajoutée suite à son agrandissement. Source photos : delcampe.net
La chapelle fut abandonnée et détruite, et la décision fut prise de construire un édifice plus durable. Un terrain plus important fut acquis par le diocèse de Bordeaux en 1960, l'achat coïncidant avec la création d'une structure paroissiale locale, l'Association Paroissiale de Lacanau-Océan. Pendant cette période de transition, des messes furent organisées sur place en plein air. Mais, vues les fréquentes intempéries, une nouvelle structure temporaire en bois fut bientôt construite sur ce nouvel emplacement.

En 1964, un accord fut ratifié par les représentants de l'archevêque de Bordeaux, le curé de Lacanau et le président de l'Association paroissiale s'engageant à la construction d'une nouvelle église, selon les plans de Patrick Maxwell, Jean-Claude Moreau et Francis Duclos (architectes Agora). Les finances prirent la forme d’un prêt des Chantiers Diocésains de l’Église catholique ; les 220 000 francs allaient devoir être remboursés en 20 versements annuels de 17 000 francs (en faisant le calcul, il est facile de comprendre qu'il y avait des taux d'intérêt conséquents !). Afin de rembourser la dette, la paroisse signait donc pour des années de kermesses, quêtes et collectes, ou de location de l'église comme salle de spectacle. (Elle reste aujourd'hui encore une salle de concert occasionnelle.)

Pose de la première pierre en 1964.
Source photo : fiche historique
disponible dans l'église.
La première pierre fut posée par le cardinal archevêque de Bordeaux Monseigneur Richaud en août 1964. Des contraintes budgétaires conduisirent à des plans revus à la hâte pour le bâtiment, ce qui aboutit peut-être à ce produit relativement rudimentaire livré en 1967. À certains égards, il s'agissait d'une conception modulaire : grâce à l'utilisation de panneaux, une partie chauffée du bâtiment pouvait à l'origine être isolée pour servir de chapelle d'hiver pour les fidèles présents à l'année, tandis que l'espace complet n'était utilisé que lorsque l'église fonctionnait à plein régime pendant la saison estivale, où il pouvait accueillir jusqu'à 600 visiteurs. Le bâtiment comprenait également un petit appartement où les prêtres en résidence pouvaient séjourner.

Mais ces contraintes budgétaires susmentionnées allaient avoir d'autres effets collatéraux dix ans plus tard, quand il fut constaté que la structure en fer n'était que peu adapté à l'air marin, que certains des matériaux n'étaient pas de la meilleure qualité, que le toit était tout sauf étanche et que l'installation électrique devait être remplacée. Le bâtiment subit donc une refonte massive et au cours de la décennie suivante, la paroisse concentra davantage son budget à l'entretien de l'église qu'au remboursement de sa dette.

Brique et mortier.
En 1991, le bâtiment fut grandement embelli par l'installation de quelques vitraux et un émail de Raymond Mirande fabriqués par les verriers Ateliers Dupuy-Fournier, ainsi que par l'ajout d'une mince rangée de vitraux qui longent chaque côté de l'église juste en dessous de la hauteur du plafond. Parmi les principales créations de Raymond Mirande, qui sont positionnées derrière l'autel, la première représente l'arche de Noé, la seconde la Vierge Marie et son fils adolescent, et la troisième comprend une série d'images allant d'une colombe de paix à des représentations de la Pentecôte et de Jérusalem.

Les vitraux et l'émail derrière l'autel, et les vitraux qui longent les deux côtés du bâtiment.
Un des vitraux Mirande. Crédit photo Harvey Morgan (https://avec33.fr/).
La vie de l'église suivit son cours jusqu'en 2000, lorsqu'un rapport de sécurité conclut qu'elle n'était pas aux normes en termes d'ouvertures et ne pouvait raisonnablement accueillir que 200 personnes au lieu de 600 ! La paroisse travailla avec un architecte pour créer des issues supplémentaires afin de permettre à l'église de reprendre ses activités à pleine capacité au cours des premières années du 21e siècle, période notamment marquée par l'attribution, en septembre 2015, juste avant le 50e anniversaire, du prestigieux label « Patrimoine du XXe Siècle ». Hourra !

L'extérieur de l'église, dont la grande entrée principale et, en bas à gauche, l'arrière du bâtiment comprenant l'appartement à l'étage.
L'église n'est généralement pas ouverte au grand public en dehors des messes, mais en visant récemment une arrivée sur place vers midi un dimanche, la porte était encore ouverte et, en compagnie de quelques amis, nous avons pu rentrer et avons été chaleureusement accueillis par deux dames en pleine séance de rangement après la messe du jour. Nous avons fait en sorte de ne pas trop nous attarder mais nous avons trouvé le temps d'admirer les vitraux et une cloche de 330 kilos qui est conservée à l'intérieur et qui était auparavant la propriété d'un couvent à Lyon.

Vue générale de l'intérieur de l'église et la cloche lyonnaise. Remarquez le plafond / toit en tôle ondulée ; le bruit doit être assourdissant lorsqu'il pleut !
Nos hôtes nous ont également conduits spontanément aux dépliants détaillant l'histoire de l'église, car elles ont rapidement précisé qu'il y avait peu ou pas d'informations disponibles sur Internet. Voilà qui est donc réglé par la publication de ce dossier Invisible Bordeaux, rédigé presque exclusivement sur la base des informations d'archives contenues dans un de ces dépliants réalisés par l'Association Paroissiale de Lacanau-Océan. Un grand merci à ces anonymes qui ont ainsi partagé l'histoire de Notre-Dame des Flots… sans aucun doute l'un des lieux de culte les plus intéressants et insolites de la Gironde !

> Localiser sur la carte Invisible Bordeaux : Notre-Dame des Flots, 12 avenue de l'Adjudant Guittard, Lacanau-Océan
> Un grand merci aux deux dames très sympathiques qui nous ont permis de voir l'intérieur de l'église, ainsi qu'aux rédacteurs de la fiche d'information historique éditée par l'Association Paroissiale de Lacanau-Océan dont le contenu a largement alimenté ce dossier ! 
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Une publication intéressante récemment vue sur les réseaux sociaux mettait en avant un clip des années 1970 où l’on voit un aéroglisseur su...

L’ère des aéroglisseurs sur l’estuaire de la Gironde... et le lien pauillacais

Une publication intéressante récemment vue sur les réseaux sociaux mettait en avant un clip des années 1970 où l’on voit un aéroglisseur sur l’estuaire de la Gironde, assurant la liaison entre Lamarque et Blaye, une ligne que l’on associe plus naturellement aux « bacs ». Il s’agissait d’une découverte pour moi, et c’est en enquêtant sur le sujet que j’ai appris le lien important entre ce mode de transport et la commune de Pauillac. Quel était donc ce lien, et par où commencer ?
 

Le point de départ naturel est l’histoire de l’un des innovateurs français les plus emblématiques de tous les temps, Jean Bertin (1917-1975). Entre autres réalisations, Bertin inventa la technique d'inversion de poussée utilisée par de nombreux avions à réaction pour ralentir à l'atterrissage. Il fut également à l'origine du célèbre concept de train sur coussin d’air, « l'Aérotrain », développé entre 1965 et 1977. À l’époque l’Aérotrain perdit sa bataille contre le TGV, mais n'est pas sans rappeler les projets actuels d'hyperloop qui prennent forme.


 Jean Bertin (source photo : Aéroclub Jean Bertin) et son célèbre Aérotrain. Ainsi qu'une moissonneuse batteuse.

Dès 1955, Bertin fonde sa propre entreprise, Bertin et Cie, et crée au fil des années diverses filiales dédiées à ses différentes innovations. C’est notamment le cas pour le projet Aérotrain, suivi en 1965 par la création de la SÉDAM (Société d'Étude et de Développement des Aéroglisseurs Marins), opérant à Marignane, près de Marseille, avec une usine de fabrication près de Bayonne. La SÉDAM était également axée sur les technologies liées aux coussins d'air et était spécifiquement focalisée sur le développement et la production de ce qui allait devenir sa gamme d'aéroglisseurs amphibies, le « Naviplane ».

Le premier grand livrable de la SÉDAM était un Naviplane de 30 tonnes, le N300. Deux unités furent produites, la Baie des Anges en 1967, configurée pour transporter du fret, puis, l’année suivante, la Croisette, conçue pour transporter jusqu'à 90 passagers. Toutes deux entrèrent en service sur la côte méditerranéenne, faisant la navette entre l'aéroport de Nice, Cannes, Saint-Tropez, Monaco et San-Remo en Italie. La SÉDAM produit également un modèle beaucoup plus petit, le N102, conçu pour transporter deux membres d'équipage et 12 passagers. Ce dernier n'a jamais connu de succès significatif, malgré de nombreux essais commerciaux comme, par exemple, entre la station balnéaire de la Grande Motte et des plages isolées.


Un N300 à Nice (source photo : Reddit) et un N102 au large de la Grande Motte (source photo : Le Maxi-Mottain).


Et voilà qu'en 1971, le N300 Baie des Anges fut acquis par le département de la Gironde et transformé afin d'être utilisé en binôme avec le bac existant pour assurer la liaison entre Blaye et Lamarque, ainsi que pour relier Pauillac et parfois Bordeaux (vers une plate-forme située juste à côté du Pont d'Aquitaine). Il pouvait ainsi transporter quatre véhicules et 38 passagers et il ne lui fallait que cinq minutes pour se rendre d'une rive à l'autre de l’estuaire de la Gironde. Ce Naviplane fonctionna ainsi entre juillet 1971 et décembre 1975, totalisant 20 000 trajets et 4 000 heures de vol.

Pourquoi le conseil départemental est-il revenu à un service basé uniquement sur un bac traditionnel ? Trois facteurs sont facilement identifiables. Premièrement, les nuisances sonores à l'arrivée et au départ du Naviplane, en particulier dans le centre-ville de Blaye, devaient être peu appréciées des riverains. Deuxièmement, le ferry avait une capacité bien plus grande, étant capable de transporter 40 véhicules et 350 passagers. Et enfin, la Baie des Anges a subi quelques incidents malheureux. Dans un cas, la porte avant du Naviplane n'avait pas été correctement fermée en début de traversée. Et lorsque le pilote s’en rendit compte, il freina brusquement. La porte s'ouvrit, l'eau entra à l’intérieur et une Citroën de luxe se retrouva au fond de l'estuaire ! Heureusement, personne ne fut blessé. Puis, lors d'une autre traversée nocturne, l'aéroglisseur entra en collision avec un mât radar stationnaire au large de Lamarque, causant des dommages structurels à l'engin.


Carte postale souvenir (source : Aeromed).

À Lamarque, la Paillote de Steph se trouve désormais là où la Baie des Anges arrivait jadis.
 
Selon divers témoignages, c'est dans cette zone au pied du pont d'Aquitaine que l'aéroglisseur faisait escale à Bordeaux.

Pendant ce temps, en 1973, le SÉDAM avait du mal à joindre les deux bouts mais commença à travailler sur un modèle beaucoup plus important de 260 tonnes, le N500, le plus grand aéroglisseur de passagers de son temps, conçu pour transporter jusqu'à 400 personnes, 55 voitures et cinq autocars à des vitesses allant jusqu'à 70 nœuds (environ 130 kilomètres à l'heure). Deux commandes fermes furent obtenues pour ce projet plus ambitieux, du département de la Gironde (en vue d’assurer la traversée Royan-Le Verdon à l'embouchure de l'estuaire de la Gironde), et de la SNCF (pour la traversée de la Manche). Parmi d’autres pistes commerciales de l’époque, citons la liaison entre Nice et la Corse, ou encore un projet canadien.

Sans doute attirée par l'air revigorant de l'estuaire de la Gironde, en décembre 1975, la SÉDAM déménagea à Pauillac, opérant depuis un grand hangar face à l’estuaire, juste au nord de la ville. C'est donc à Pauillac que commencèrent les travaux du N500, menés par un certain Paul Guienne, qui avait également dirigé les études sur le projet Aérotrain. La SÉDAM démarra la construction des deux premiers Naviplane : le N500-1, pour la commande girondine, fut renommé la Côte d'Argent, tandis que le N500-2 pour la SNCF devait initialement s'appeler la Côte d'Opale, mais fut renommé l'Ingénieur Jean Bertin en hommage à l’innovateur, disparu pendant cette période. Mais la suite n’allait pas être si simple pour les deux N500… 

Le vol inaugural réussi de la Côte d'Argent eut lieu sur l'estuaire en avril 1977. Mais lors d’une séance de travaux de réparation réalisés par des sous-traitants de la SÉDAM le mois suivant (en amont d'une visite ministérielle), une technicienne marcha sur une ampoule qui explosa, mettant le feu à un bidon de dissolvant. L'ensemble de l'engin prit feu et fut totalement détruit en moins d'une heure, tout cela quelques jours avant son inauguration par le prince Charles. Cette fin tragique est détaillée, avec de nombreuses photos d'archives, ici.

L'épave du N500-1. Photo diffusée par l'unité d'investigation et parmi de nombreuses images qui figurent sur l'excellent site internet entièrement dédié aux Naviplane.

Quant à l'Ingénieur Jean Bertin, après un voyage épique de Pauillac à Boulogne-sur-Mer qui dura 25 heures avec de nombreuses escales de ravitaillement le long des côtes de l’Atlantique et de la Manche, il entra en service en 1978 aux couleurs de Seaspeed, la société commune SNCF / British Rail. Il opéra aux côtés de deux aéroglisseurs britanniques SR.N4 « classe Mountbatten », et permettait de traverser la Manche en moins de 30 minutes (dont un record de 22'15" entre Douvres et Calais qui ne fut pas homologué faute d’huissier !).

En 1981, l'Ingénieur Jean Bertin fut repris par la société Hoverspeed (résultat de la fusion entre Seaspeed et Hoverlloyd) et fut largement rénové à la demande de la SNCF, rentrant en service pour une courte période en 1983 avant d'être mis à la retraite, puis abandonné et démantelé sur une plage à Boulogne-sur-Mer en octobre 1985. 

Plus généralement, les lignes aéroglisseurs de la Manche allaient entrer dans une spirale descendante avec l'ouverture du tunnel sous la Manche en 1994. Le dernier aéroglisseur transmanche fut retiré du service en 2000. 


L'
Ingénieur Jean Bertin N500 s'approchant du port de Douvres. Source photo : Wikipedia


Revenons à Pauillac où la SÉDAM allait mal. Le département de la Gironde avait retiré sa seule commande, choisissant de réorienter les fonds vers des besoins jugés plus urgents (infrastructure routière et écoles). De plus, la SNCF n’était pas prête à s’engager sur d’autres commandes, préférant le SR.N4 britannique. Vers la fin des années 1970, l'entreprise fut reprise par les constructeurs navals Dubigeon-Normandie, mais s’effondra pour de bon en 1983, son projet final étant sans doute la rénovation d'un N102 qui avait été acheté de nombreuses années auparavant par un entrepreneur égyptien basé aux Émirats Arabes Unis.

Malgré la disparition de l’entreprise, le hangar de Pauillac hébergeait toujours les deux aéroglisseurs N300 à la retraite, ainsi que quatre N102. Une vente aux enchères eut lieu en mai 1983 et un ferrailleur bordelais acheta les N102. Un restaurateur acquit la Baie des Anges avec l'intention de la transformer en restaurant à Pauillac mais n’obtint pas les autorisations nécessaires. De nouveaux projets de vente n’aboutirent pas et l'appareil resta donc dans l'entrepôt. La Croisette fut rachetée par un ferrailleur de Pauillac mais resta également sur place. Fin 1983, les deux furent ferraillés et l'histoire du SÉDAM se termina dans l’indifférence.

Alors, que reste-t-il aujourd'hui de l'histoire de la SÉDAM et de ce chapitre pauillacais ? À Pauillac, l'entrepôt SÉDAM est désormais utilisé par la société vinicole Baron Philippe de Rothschild pour le stockage de ses marchandises avant distribution dans le monde entier. Face à l’imposant hangar et du vaste espace qui est désormais un parking (lieu de l'incendie fatidique de 1977 qui a détruit le N500-1), une grande plate-forme en béton rappelle l'endroit exact où les aéroglisseurs se lançaient sur l'estuaire. 

 Grâce à l'excellent site Remonter le Temps de l'IGN, il est tout à fait possible de redécouvrir la configuration d'antan. Nous voici en 1976 avec ce qui pourrait être deux N102 stationnés devant le hangar.

Et voici la même vue en 1977... avec un N500 solitaire, sans doute l'Ingénieur Jean Bertin.

De ces N102 repris par le ferrailleur bordelais, deux furent récupérés ces dernières années à Villenave d’Ornon par un groupe de passionnés en vue de les rénover et de les restaurer. Cette aventure est racontée en détail ici mais, pour résumer, retenons que les deux épaves furent transformées en un Naviplane N102 tout beau qui est aujourd’hui fièrement exposé en permanence à l'extérieur du château de Savigny-lès-Beaune en Bourgogne, comme le montre clairement la vue satellite de Google de la zone ci-dessous à droite !

Source photo de gauche : hangarflying.eu

Enfin, alors que l'utilisation des aéroglisseurs pour transporter de grands nombres de passagers est moins répandue de nos jours (à quelques exceptions près, comme sur la liaison entre Portsmouth et l'île de Wight), la technologie continue de faire ses preuves dans des situations militaires complexes ou pour faire face à des reliefs accidentés où aucun autre type d'engin n'est capable d'opérer. Et, qui sait, il pourrait un jour faire son grand retour, y compris en Gironde où le sujet revient souvent comme une solution potentiellement efficace pour relier le centre de Bordeaux à Blaye et la pointe de l'estuaire !

 

En attendant, l'intérêt pour les aéroglisseurs a tout sauf diminué. De nombreux clips d'archives sont à retrouver sur Youtube, il existe un formidable site entièrement dédié aux Naviplane, et en cette ère des réseaux sociaux, vous pouvez même trouver une page Facebook qui ne parle de rien d'autre que du Naviplane N500 Ingénieur Jean Bertin !

 

Foncez donc vers Google, faites un tour sur naviplane.free.fr et explorez par vous-même le monde étrange et merveilleux de l'aéroglisseur, dont le vrombissement alors futuriste fut, pendant les années 1970, un bruit récurrent sur les rives de l'estuaire de la Gironde !


> Localiser sur la  la carte Invisible Bordeaux : Former SEDAM hovercraft factory, Pauillac; Bac Lamarque-Blaye ferry port, Lamarque; Bac Blaye-Lamarque ferry port, Blaye.
> Beaucoup d'informations dans ce dossier sont issues de l'excellent site naviplane.free.fr website, dont la découverte est fortement conseillée !
> Source photo en début d'article: Aeromed
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Invisible Bordeaux s'est récemment procuré une série de cartes postales montrant les différentes étapes d'un cortège funèbre dans le...

Les adieux tendus de 50 000 Bordelais au Cardinal Lecot


Invisible Bordeaux s'est récemment procuré une série de cartes postales montrant les différentes étapes d'un cortège funèbre dans les rues du centre-ville de Bordeaux au début du XXe siècle. Ces photos montrent d'énormes foules le long du parcours, ainsi que de nombreuses personnes regardant également par les fenêtres et depuis les balcons pour rendre hommage à la dépouille. Quel était donc ce grand événement ? Il s'agissait en fait du dernier adieu de la ville au cardinal Victor Lecot. Mais qui était donc ce cardinal Lecot et pourquoi ses funérailles ont-elles généré un tel engouement ?

Victor Lucien Sulpice Lecot (ou Lécot) naquit en janvier 1831 dans le nord-est de la France. À 24 ans, il devint prêtre à Compiègne, au nord de Paris, avant d'être ordonné évêque de Dijon en 1886. En juin 1890, il fut nommé archevêque de Bordeaux, à une époque où l'Église catholique est plus forte que jamais dans la ville, avec de nombreuses nouvelles congrégations se rassemblant dans tous les quartiers (il consacre notamment l'église Saint-Louis-des-Chartrons en 1895). L'influence de l'Église s'infiltrait même dans la presse à travers la publication du Nouvelliste de Bordeaux et du Sud-Ouest, réputé pour ses tendances royalistes et anti-républicaines !

Lecot resta archevêque de Bordeaux jusqu'à sa mort mais fut également élevé cardinal en 1893 par le pape Léon XIII et nommé cardinal-prêtre à la basilique Santa Pudenziana à Rome l'année suivante. Il était l'un des membres du conclave qui élit Pie X, et était lui-même légat papal lors des célébrations tenues à Lourdes en 1908 pour marquer le cinquantième anniversaire des apparitions supposées de la Vierge Marie à Bernadette Soubirous.

En France, le début du XXe siècle fut une période tumultueuse, avec la scission officielle entre l'Église et l'État (et le début du statut laïque de la République française) intervenant en 1905 après 25 années de débats acharnés opposant différents ponts de vue sur le rôle de l’Église. Comme vous pouvez l'imaginer, Lecot soutenait le maintien des liens étroits entre l'Église et l'État, faisant parallèlement tout son possible pour éviter toute forme de conflit, même s'il était impuissant face aux nombreuses manifestations houleuses qui rythmèrent ces années.

Les tensions étaient encore vives lorsque Lecot mourut le 19 décembre 1908 à Chambéry, dans l'est de la France. Et ses obsèques eurent donc lieu onze jours plus tard, le 28 décembre, à Bordeaux. Les autorités savaient que le cortège funèbre attirerait des milliers de personnes mais aussi, vu le contexte, que l'événement pourrait facilement provoquer des incidents.

En haut - Le cortège funèbre sur la place de la Comédie. En bas - Le corbillard tiré par des chevaux.

Le récit le plus complet est signé par une certaine Annie Ribette et est à découvrir sur le site des Cahiers d’Archives. Ribette précise que l'édition du lendemain du Nouvelliste rapportait que près de 2 000 hommes (militaires et gendarmes) étaient en position à partir de sept heures du matin pour maîtriser les foules le long du parcours du cortège funèbre et empêcher les intrus de s'y infiltrer (un laissez-passer dédié était nécessaire pour rejoindre les rangs de la procession).

Le dossier d'Anne Ribette contient de nombreux documents d’archives, dont ce laissez-passer officiel qui annonce « la levée du corps à neuf heures du matin dans l’église Notre-Dame ». La fameuse série de cartes postales nous montre que le cortège se dirigea ensuite vers la place de la Comédie et le long du cours de l'Intendance, avant de descendre la rue Vital-Carles (où se trouvait l'ancienne résidence officielle de l'archevêque de Bordeaux, devenue alors la résidence du préfet de Gironde, source de tensions palpables...) puis de rejoindre la place Pey-Berland, sans doute avant de finir à la cathédrale Saint-André, bien qu'on ne sache pas si les restes de Lecot ont été immédiatement déposés à la tombe où il repose encore aujourd'hui.  


En haut - Le cortège avance sur le cours de l'Intendance, sous les yeux de nombreux spectateurs regardant depuis les fenêtres et les balcons. En bas - La Garde suisse pontificale était présente.

Le nombre de personnes présentes le long de la route pour rendre hommage à Lecot est estimé à 50 000. Les mesures strictes de sécurité firent l'objet de nombreuses critiques. Annie Ribette reprend notamment un extrait d'un article du journal politique d'union socialiste et révolutionnaire La Bataille, qui parle d'un véritable « état de siège » à Bordeaux :  « 50 000 personnes venues de tous les points de Bordeaux et de la région ont été empêchées de saluer la dépouille mortelle du Cardinal de Bordeaux. Les troupes qui barraient les rues avaient reçu l’ordre de tourner le dos au cortège… On pouvait se dispenser de rendre les honneurs sans empêcher le public d’assister aux funérailles. » Le journal précise par ailleurs que la République ne salua aucunement le cardinal défunt car « depuis la loi de séparation, les prélats, n’ayant aucun caractère officiel, n’ont plus droit aux honneurs rendus jadis en vertu du décret de l’an XII. Les troupes disposées en dehors de l’itinéraire n’étaient là que pour assurer l’ordre. »


Le cortège se déplace sur la place Pey-Berland. 

Même sans cette reconnaissance républicaine, la portée historique de l'événement n'échappa à personne. De nombreuses demandes d'autorisation furent déposées en vue de capturer l'événement sur pellicule en cette ère des débuts de la cinématographie. D'ailleurs, en regardant de près les images de la procession de la place de la Comédie, on ne peut être que frappé par le nombre de photographes et cinéastes présents. Mais au-delà des images fixes telles que celles présentées ici, combien d'images de cette couverture cinématographique ont survécu jusqu'à nos jours ? 


Les photographes et cinématographes assemblés place de la Comédie.

Et quelles traces subsistent du cardinal Lecot lui-même dans la ville ? Bien sûr, le mémorial le plus symbolique et le plus important n’est autre que la tombe monumentale du cardinal à l’intérieur de la cathédrale Saint-André. Son prénom a également été donné à l'église Saint-Victor, rue Mouneyra, une église fondée en 1905 alors que Lecot était encore archevêque de Bordeaux, bien que l'édifice actuel ait été construit durant la période de la Seconde Guerre mondiale et finalement consacré en 1947. Enfin, une rue porte son nom à Bordeaux et il y a même un arrêt de bus "Cardinal Lecot" à Blanquefort, signe de reconnaissance amplement mérité pour ce grand homme. Il y a bien une explication : l'arrêt se trouve près de là où se trouvait jadis le château viticole de Gilamon (devenu le... château Larchevesque), à savoir la propriété et lieu de résidence de Lecot suite à son départ de la rue Vital-Carles. 

Ci-dessus - Le cardinal Lecot repose en paix dans la cathédrale de Bordeaux.

Ci-dessus - l'église Saint-Victor, rue Mouneyra. Ci-dessous - L'hommage ultime, un arrêt de bus à Blanquefort.

Et, bien sûr, il reste ces images incroyables de la ville, montrant des scènes que Bordeaux a peu de chances de revoir de si tôt... et des scènes qui à elles seules ne racontent pas toute l'histoire !

> Localiser l'église Saint-Victor sur la carte Invisible Bordeaux : rue Mouneyra, Bordeaux.
> Source photo du cardinal Lecot : Wikipédia
> Comme ce l'est précisé plus haut, le récit le plus complet de cet événement est à retrouver sur le site internet des Cahiers d'Archives website
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