Mitt Romney, candidat républicain malheureux face à Barack Obama lors des élections présidentielles américaines de 2012, a souvent évoqué ses liens privilégiés avec la France et la culture française. Retour dans ce dossier (ainsi que du côté d'Invisible Paris) sur le parcours de Mitt Romney dans l'hexagone.
Tout remonte à la fin des années soixante et les deux ans et demi passées en France en tant que missionnaire au service de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, appelée aussi Église mormone. Cette mission comprenait notamment un séjour de six mois à Bordeaux à compter de janvier 1968, période à laquelle laquelle Romney et son binôme Steven Bang habitaient un appartement situé au numéro 4 place du Maucaillou, dans le quartier très animé du marché des Capucins. Romney avait alors 20 ans et découvrait le port de la lune après être passé par les villes du Havre et de Brest, et avant de terminer son chapitre français à Paris.
Lors d'un entretien accordé en 2012 à l'Agence France Presse par André Salarnier, l'ancien responsable de la chapelle mormone de Talence [lire le dossier Invisible Bordeaux dédié à l'histoire de cette chapelle], s'est souvenu d'un « grand gaillard, plutôt charismatique » qui « venait manger chez nous assez fréquemment. Il raffolait des galettes bretonnes de ma femme » (ainsi que de son coq au vin selon d'autres témoins). Salarnier gardait aussi l'image d’un « leader naturel » doté « d’une certaine prestance, très sympathique, très ouvert et très francophile ».
Le quotidien de Romney se composait alors de séances de prière, lecture des Écritures et circuits d'évangélisation de porte à porte en compagnie de son compère Bang. Grâce à ses qualités de leader, Romney a également été désigné pour être le responsable de ses pairs missionnaires dans tout le sud-ouest de la France. Parmi les aventures les plus marquantes vécues par le duo de choc, retenons l'intervention spontanée des deux missionnaires lorsqu'ils ont aperçu un immeuble en feu dans Bordeaux. Romney et Bang n'ont pas hésité à pénétrer dans le bâtiment envahi par la fumée pour aider les habitants à en sortir.
La vue depuis la porte d'entrée de Mitt Romney. |
Romney était donc à Bordeaux lorsque les mouvements sociaux de mai 1968 ont paralysé le pays. Les missionnaires mormons dépendaient des fonds envoyés depuis les États-Unis (ils vivaient avec 110 dollars par mois), mais l'argent se tarissait. Romney a dû chercher d'autres moyens d'obtenir de l'argent jusqu'à se rendre en Espagne pour y retirer du liquide des banques.
Le 16 juin 1968, Romney a été impliqué dans un grave accident de voiture survenu à Bernos-Beaulac, à 75 kilomètres au sud de Bordeaux. De retour de Pau pour intervenir dans le cadre d'une mésentente entre membres d'une petite congrégation mormone, il était au volant de la voiture qui ramenait, entre autres, le président de la mission mormone française Duane Anderson.
Leur véhicule a été heurté de plein fouet par une voiture conduite par un prêtre catholique, Albert Marie. La femme d'Anderson, Leola, a été tuée sur le coup. Romney, qui a toujours soutenu qu'il n'était pas fautif (les témoins ont affirmé qu'Albert Marie était ivre quand l'accident a eu lieu), a été grièvement blessé. À tel point que le premier policier présent sur les lieux aurait écrit « décédé » ou « il est mort » dans le passeport de Romney.
Leur véhicule a été heurté de plein fouet par une voiture conduite par un prêtre catholique, Albert Marie. La femme d'Anderson, Leola, a été tuée sur le coup. Romney, qui a toujours soutenu qu'il n'était pas fautif (les témoins ont affirmé qu'Albert Marie était ivre quand l'accident a eu lieu), a été grièvement blessé. À tel point que le premier policier présent sur les lieux aurait écrit « décédé » ou « il est mort » dans le passeport de Romney.
À l'hôpital, Romney est rapidement sorti du coma. Quatre jours plus tard, il était dans un train à destination de Paris, dans une wagon affrété par l'Église. Des ambulances ont même été autorisées sur les quais de la gare de Bordeaux Saint-Jean pour déposer Romney et Anderson. Ce traitement « VIP » a été attribué au fait que le père de Romney, George W. Romney, était gouverneur du Michigan et avait été jusqu'à récemment l'un des favoris dans la course à l'investiture du parti républicain à l'élection présidentielle de 1968.
Lors d'un meeting en décembre 2011, Romney a raconté son séjour en France à ses partisans au New Hampshire. Il a expliqué que la France n'était « pas tout à fait un pays du tiers-monde » mais a ajouté que « la plupart des appartements dans lesquels je vivais n'avaient pas de réfrigérateur ». Était-ce son appartement de la place du Maucaillou dont il se souvenait en parlant des solutions rustiques constituées de seau utilisé en l'absence de toilettes ? Ou encore des moyens pour se laver : « Si on avait de la chance, on s'achetait un tuyau qu'on attachait au robinet de l'évier et on s'en servait pour se nettoyer. » Il se souvient également s'être dit à l'époque qu'il avait « beaucoup de chance d'être né aux États-Unis ».
Romney parlait-il donc de Bordeaux, ou plutôt du Havre ou de Brest ? En tout cas, il est certain qu'il ne décrivait pas le lieu où il a vécu par la suite dans le 16e arrondissement de la capitale de la France. Découvrez la suite de l'histoire en lisant le dossier d'Invisible Paris [en anglais] !
> Localiser sur la carte Invisible Bordeaux : place du Maucaillou: Mitt Romney's former living quarters
> Découvrez le deuxième papier "Romney" d'Invisible Bordeaux dédié à la chapelle mormone de Talence
> Photos suite à l'accident de voiture : copyright André Salarnier
> This article is also available in English!
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