À l'approche des fêtes de fin d'année, pourquoi ne pas prendre le temps d'assister à une représentation de Une Maison de poupée ...


À l'approche des fêtes de fin d'année, pourquoi ne pas prendre le temps d'assister à une représentation de Une Maison de poupée d'Henrik Ibsen par la Compagnie Clapotis ? Six représentations auront lieu entre le 11 et le 14 décembre à la Halle des Chartrons à Bordeaux, dont trois en anglais et trois en français. Pour en savoir plus, Invisible Bordeaux s'est entretenu avec Joshua Stretton, à l’origine de cette compagnie de théâtre bilingue.


Joshua Stretton
(crédit : Victoria Hebrard).

Qu'est-ce qui prend forme ?


Nous mettons en scène une adaptation de Une Maison de poupée, une pièce norvégienne du XIXe siècle très connue en Scandinavie, au Royaume-Uni et aux États-Unis, mais sans doute moins en France. La pièce est centrée sur Nora, et l'histoire tourne autour de son mariage, de sa relation avec son mari et d'une décision qu'elle a prise dix ans plus tôt et qui revient la hanter. Il s'agit en substance d'une version du XIXe siècle d'un drame réaliste, dont l'histoire se déroule à huis clos. La pièce peut être considérée comme un texte féministe précurseur, centré sur une femme qui s'émancipe. Elle a connu un grand succès lors de sa création et reste tout aussi inspirante aujourd'hui.

Pouvez-vous nous présenter la Compagnie Clapotis ?


Mon épouse Emily Guernsey et moi-même sommes les partenaires créatifs à l'origine de la Compagnie Clapotis, une troupe de théâtre « immersif » et bilingue. Emily est originaire du Maine, aux États-Unis, et je viens du Somerset, au Royaume-Uni. Nous nous sommes rencontrés à Paris alors que nous travaillions sur des productions shakespeariennes en plein air. Nous avons déménagé à Bordeaux en 2022 et avons créé la compagnie afin de nous consacrer au théâtre non traditionnel dans des espaces non conventionnels. 

Pouvez-vous nous parler de vos autres projets/formats ?


Nous organisons également des « Director's Labs », un programme né à Paris que nous aimerions reproduire à Bordeaux. Il s'agit de cours de théâtre destinés à aider les metteurs en scène. Nous explorons différents styles et encourageons plusieurs metteurs en scène à développer un concept, qui est ensuite répété avec des comédiens. Nous organisons également des séminaires pédagogiques sur Shakespeare, basés sur notre expérience acquise au cours des dix dernières années.

En ce qui concerne Une Maison de poupée, qui sera sur scène ? 


Quatre acteurs jouent six rôles, dont deux sont de langue maternelle française et deux de langue maternelle anglaise. Yolanda Creighton, qui est originaire de Paris, joue Nora, tandis que je joue son mari, Torvald. Les deux autres acteurs, Mayte Perea López (qui est franco-espagnole) et Paul Wilson (un Anglais basé près de Bordeaux), jouent chacun deux rôles. Emily assure la mise en scène du spectacle !

De gauche à droite : Yolanda Creighton, Paul Wilson, Mayte Perea López (crédit: Victoria Hebrard).

Quelle est la réflexion derrière les représentations en anglais et en français, et quels enseignements tirez-vous du fait de travailler sur deux versions d'une même pièce ?


L'idée est de tester le terrain à Bordeaux avec du théâtre en anglais, mais nous voulons également attirer le public local, d'où les représentations en français.

En travaillant sur la pièce, nous avons réalisé que le français est une langue beaucoup plus directe que l'anglais, qui est plus nuancé. Par exemple, dans une scène au début de la pièce, je considérais l'interaction entre le mari et la femme comme une taquinerie amicale en anglais. Cependant, lors des auditions en français, tout le monde a interprété cette scène comme une dispute. Lorsque nous avons interrogé les actrices que nous avons choisies, elles ont indiqué qu'elles trouvaient cet échange brusque.

Les deux versions que nous jouons seront aussi similaires que possible, avec néanmoins quelques différences. La présence de deux acteurs natifs français et de deux natifs anglais ajoute à l'unicité du projet.

Cette mise en scène en ronde, est-ce quelque chose auquel vous êtes habitués ?


C'est quelque chose que nous avons déjà fait plusieurs fois. Ce format est très libérateur, mais il faut beaucoup de talent scénique pour abandonner l'idée qu'il faut regarder dans une seule direction ! La pièce implique beaucoup de mouvements et de fréquents changements d'angle. Cette configuration nous permet également d'utiliser une grande scène sur laquelle nous allons reproduire un appartement avec tout son mobilier.

Paul et Joshua lors des répétitions (crédit: Victoria Hebrard). 

Pourquoi avoir choisi Une Maison de poupée et pourquoi votre version se déroule-t-elle dans les années 1930 ?


C'est principalement l'intrigue qui nous a séduits. Nous voulions la moderniser, mais certaines contraintes scénaristiques, notamment un rebondissement lié à un emprunt, auraient nécessité des changements importants si nous avions choisi de la transposer à l'époque actuelle. Nous avons donc opté pour les années 1930, une période intéressante à considérer aujourd'hui, avec en toile de fond la crise financière de l'époque. Nous avons décidé de conserver le cadre norvégien afin de respecter les conventions de l'œuvre originale. Nous sommes convaincus que le public ne prêtera pas attention au fait que les dialogues sont en anglais ou en français !

Qu'espérez-vous que le public retienne de ces représentations ?


Nous espérons qu'il appréciera une pièce de théâtre bien produite, interprétée avec brio, sous la forme d'un drame intense et haletant du début à la fin, qui constituera une expérience intense à tous les niveaux ! Cela pourrait également susciter une discussion sur la langue : pour ceux qui viennent voir la pièce en anglais, est-ce vraiment ce qu'ils veulent ? Pour ceux qui le voient en français, ont-ils trouvé intéressant de voir une pièce qui n'est pas une pièce française typique ? Nous espérons également que le public appréciera de découvrir le théâtre dans un cadre aussi intime.

Où peut-on acheter les billets et où les lecteurs peuvent-ils se tenir informés de l'actualité de la Compagnie Clapotis ?


Les billets peuvent être achetés via notre site web ou la plateforme HelloAsso. Ils sont au prix de 18 €, avec des tarifs réduits à 14 €, et il existe également des réductions « payez ce que vous pouvez » pour les représentations en journée car nous pensons que le prix des billets ne doit pas être un obstacle pour le public. Et vous pouvez suivre l'actualité de la Compagnie Clapotis sur notre compte Instagram !

🎭 Une Maison de poupée de Henrik Ibsen
📅 Dates : du jeudi 11 au dimanche 14 décembre (en anglais le jeudi 11 à 19:00, samedi 13 à 15:00 et 19:00, en français le vendredi 12 à 19:00, dimanche 14 à 15:00 et 19:00)
📍 Lieu : Halle des Chartrons, Bordeaux

> Site web Compagnie Clapotis
> Billetterie
> Compagnie Clapotis sur Instagram

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  Après avoir passé plusieurs mois sur ce blog à mélanger maladroitement et peut-être de manière confuse des interviews musicales avec des r...

 


Après avoir passé plusieurs mois sur ce blog à mélanger maladroitement et peut-être de manière confuse des interviews musicales avec des récits sur des lieux insolites et des anecdotes sur Bordeaux et la Gironde, le moment est venu pour le podcast Invisible Bordeaux Music de voler de ses propres ailes avec son site web dédié.


Car, comme vous le savez peut-être, depuis fin 2024, le podcast dérivé du blog Invisible Bordeaux se concentre à 100 % sur la scène musicale locale, mettant en avant des artistes confirmés et émergents, couvrant les festivals, discutant avec des disquaires, etc. Il reste encore de nombreux musiciens, salles de concert et influenceurs locaux à ajouter à ma longue liste d'invités potentiels. Et tout cela parce que a) oui, j'aime vraiment la musique et b) la scène musicale bordelaise méritait sans aucun doute son propre podcast.


Désormais, le blog original le Bordeaux Invisible se concentrera à nouveau exclusivement sur l'exploration des histoires surprenantes que la ville et ses environs ont à offrir. D’ailleurs, plusieurs dossiers inédits sont actuellement en préparation et seront publiés prochainement. En attendant, pour votre dose audio de la scène musicale locale, rendez-vous sur invisiblebordeauxmusic.blogspot.com, où vous pourrez dès à présent écouter le dernier épisode, dans lequel j'interviewe Yade, star montante de la musique électronique (enregistrement en photo ci-dessus).

Le site web sert également de portail donnant accès aux épisodes précédents. Et si vous aimez les podcasts, n'oubliez pas de vous abonner à Invisible Bordeaux Music, quelle que soit la plateforme que vous utilisez. Il est disponible sur Spotify, Apple Podcasts, Deezer, Amazon Music, PocketCasts, Podbean, RadioPublic, ainsi que sur la chaîne Invisible Bordeaux sur Youtube.

Bonne visite et bonne écoute !

Photo : Hugo Martins

Cette interprétation en mosaïque des armoiries de la ville de Bordeaux est visible dans un des jardins des villes jumelles (réserve écol...

Cette interprétation en mosaïque des armoiries de la ville de Bordeaux est visible dans un des jardins des villes jumelles (réserve écologique des Barails) et fait partie des nombreux motifs que l'on peut apercevoir à travers la ville. Mais que représentent les différents éléments ? Commençons par le haut.

Le blason est surmonté d'un segment azur composé de la silhouette distinctive de la fleur de lys, le lys stylisé qui était le symbole de la royauté française. Comme nous le verrons plus loin dans cette page, cette partie des armoiries n'a pas toujours figuré !

Sous les fleurs de lys se trouve un lion (ou léopard ?), vestige des années passées par la ville sous domination britannique, de 1154 (date du mariage d'Aliénor d'Aquitaine avec Henri, duc de Normandie, futur Henri II d'Angleterre) jusqu'en 1453, date de la bataille de Castillon qui marqua la fin de la guerre de Cent Ans.

Les fortifications représentent l'hôtel de ville médiéval, dont il ne reste aujourd'hui que la porte, ses deux tours centrales et son belvédère : il s'agit de la porte Saint-Éloi, l'une des principales portes d'entrée de la ville historique de Bordeaux, et de sa célèbre cloche, la Grosse Cloche (qui, fait inhabituel, n'est pas clairement représentée sur la mosaïque ci-dessus).

Nous terminons avec les eaux bleues de la Garonne (même si une nuance de marron serait sans doute plus exact), surmontées d'un croissant représentant la forme du fleuve qui traverse la ville... d'où le surnom de Bordeaux : le Port de la Lune.

Représentations du blason de la ville sur les murs de l'Hôpital Saint-André (notez les quantités abondantes de fruits), le monument Camille Godard dans le Parc Bordelais et à l'extérieur de l'actuel hôtel de ville, le Palais Rohan.
Il convient alors de noter que lorsque la ville était sous domination britannique, le blason ne comportait pas un seul lion, mais les trois lions caractéristiques de l'Angleterre, que l'on peut encore voir sur les armoiries royales du Royaume-Uni (et sur les maillots de l'équipe de football anglaise). Deux exemples célèbres des trois lions de Bordeaux (sans les fleurs de lys, bien sûr !) sont exposés au musée d'Aquitaine. À gauche, une sculpture en calcaire datant de la fin du XVe siècle ou du début du XVIe siècle, et à droite, un vitrail du XVe siècle qui se trouvait à l'origine dans la chapelle Notre-Dame-de-la-Rose de la basilique Saint-Seurin.


Parfois, comme on peut le voir plus haut sur la page, le bouclier est rehaussé d'une couronne murale, symbolisant le statut de capitale départementale de la ville. L'« accomplissement » complet, comme on peut le voir ci-dessous, comprend également des antilopes enchaînées, les chaînes étant attachées à des couronnes autour de leur cou qui, là encore, arborent le motif de la fleur de lys. Si quelqu'un peut m'éclairer sur la signification de tout cela, je suis tout ouïe. Les dessins complets comme celui-ci incluent même la devise royaliste de la ville, dont la version complète est : « Lilia sola regunt lunam unda castra leonem » ou « les lys seuls règnent sur la lune, les vagues, la forteresse et le lion », c'est-à-dire une description en latin en une seule phrase du blason lui-même !

Ce motif élaboré, accompagné d'une devise abrégée, est visible sur les murs de l'actuel Collège Francisco Goya (rue du Commandant Arnould).
À partir du milieu du XVIIe siècle, le croissant a été extrait du blason, multiplié par trois et utilisé comme emblème de la ville. De nos jours, il est considéré comme le logo de Bordeaux ! Comme on peut le voir ci-dessous avec les croissants « flottants », il a peut-être fallu quelques années pour peaufiner le détail : la « borne de juridiction » représentée ici est l'une des nombreuses bornes disséminées dans la banlieue de la ville (celle-ci se trouve dans le parc du château Lescombes à Eysines). À une époque, des pierres comme celle-ci marquaient les limites de la banlieue de Bordeaux.

L'emblème à trois croissants à Eysines (sous une forme embryonnaire), sur un repère pour les pèlerins du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, sur les murs de la salle des fêtes du Grand Parc et lors d'un salon artisanal à Cour Mably.
Et pour finir, restons en banlieue pour découvrir l'une de mes interprétations préférées du blason de Bordeaux : elle se trouve à l'extérieur de la base aérienne militaire BA106, dans le quartier Beutre de Mérignac, et revisite les motifs anciens dans un style moderne et minimaliste. Mais au lieu des antilopes, on trouve ici de larges ailes et... c'est un petit avion militaire qui porte tout le poids de la ville !


Merci à Antoine Puentès pour quelques informations utiles !

Cet article raconte comment un dossier du blog d'Invisible Bordeaux sur l'influente star du cinéma muet Max Linder est devenu une ch...



Cet article raconte comment un dossier du blog d'Invisible Bordeaux sur l'influente star du cinéma muet Max Linder est devenu une chanson, et vient d'être adapté en un court-métrage bouleversant, que voici, avec le récit complet plus bas !




En 2012, le blog Invisible Bordeaux s'est associé à Adam Roberts du côté d'Invisible Paris pour produire un dossier commun sur Max Linder. En bref, Max Linder, né Gabriel Leuvielle à Saint-Loubès, aux bords de la Garonne un peu au nord de Bordeaux, était un réalisateur et interprète prolifique de films comiques qui a atteint une importante renommée dans les premières années du 20e siècle, influençant fortement de nombreux futurs grands, dont Charlie Chaplin.


La Première Guerre mondiale a mis un terme momentané à ses activités et, bien que sa carrière ait atteint de nouveaux sommets par la suite, tant à Hollywood qu'en Europe, Max, après la guerre, était une âme torturée. À 40 ans, il a épousé la jeune (17 ans) Ninette Peters, mais leur relation houleuse et complexe a abouti à la mort du couple dans une chambre d'hôtel à Paris en 1925.

Au moment de leur mort, la fille de Max et Ninette, Maud, n'avait même pas deux ans. Elle a ensuite été élevée d'abord par ses grands-parents maternels et l'existence même de Max Linder a été presque effacée de l'histoire, à tel point qu'elle a d'abord grandi en ignorant qui était son illustre père.


Lorsqu'elle l'a découvert, elle a cherché à reconstituer son héritage pièce par pièce, en compilant, en documentant et en restaurant des films (y compris des bobines qui auraient été trouvées dans le jardin de la résidence familiale, après y avoir été enterrées par le frère de Max). Au fil des ans, l'œuvre de Max Linder a retrouvé la place qui lui revenait, Maud Linder réalisant des livres, des documentaires et des coffrets qui lui étaient consacrés, et aujourd'hui, une grande partie de ce qu'elle a découvert est disponible en accès libre sur Youtube. Sa quête a duré toute sa vie, jusqu'à sa mort à l'âge de 93 ans en 2017.


Tout cela a constitué la base inhabituelle d'une chanson écrite, enregistrée et diffusée par mon groupe Slowrush en 2021 : « Secret Garden ». Et voilà qu'en 2025, nous avons été contactés par un groupe d'étudiants de l'ESD, École Supérieure du Digital de Bordeaux (dont mon fils aîné, Nathan Pike), qui, dans le cadre d'un projet de fin d'année, ont ainsi utilisé la chanson comme base d'un court-métrage émouvant qui a été étroitement scénarisé pendant une quinzaine de jours avant d'être tourné et monté en moins d'une semaine, mode projet oblige !


L'équipe à l'origine du clip la présente aux étudiants de l'ESD et au personnel enseignant.

La vidéo suit de près la structure de la chanson, se concentrant d'abord sur Maud Linder (interprétée par Anouchka Csernakova) qui déterre littéralement des preuves du passé de Max Linder, puis s'efforce de trier les différents archives à sa disposition. L'action se déplace ensuite en 1925, où Max Linder (Rémy Dhelias), visiblement troublé, partage une dernière danse avec Ninette Peters (Léa Ray) avant leur mort prématurée. La vidéo se termine par une longue séquence en timelapse qui montre Maud partageant ses découvertes avec une assemblée impromptue de connaissances de toutes générations, désireuses d'en savoir plus sur la star oubliée du cinéma girondin lors d'un visionnage en plein air des œuvres de Max Linder. Pendant ce temps, la musique d'accompagnement monte en crescendo, ajoutant des couches supplémentaires de tension jusqu'à ce qu'une Maud solitaire éteigne le projecteur. 


Le produit final est un véritable régal et toutes les personnes impliquées sont très fières d'avoir contribué à cette sensibilisation à l'artiste exceptionnel qu'était Max Linder, ainsi qu'au temps, aux efforts et à l'énergie que Maud Linder a consacrés à la diffusion de son œuvre dans le monde. Un grand merci aux acteurs talentueux et inspirants Anouchka Csernakova, Rémy Dhelias et Léa Ray, aux figurants et aux musiciens qui ont participé à la scène du cinéma en plein air d'un soir, et à tous les membres de l'équipe ESD qui sont partis d'une chanson de Slowrush pour façonner ce magnifique court métrage !


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Nous sommes à Lacanau-Océan, sur la côte atlantique à une soixantaine de kilomètres à l'ouest de Bordeaux, et nous sommes à l'e...


Nous sommes à Lacanau-Océan, sur la côte atlantique à une soixantaine de kilomètres à l'ouest de Bordeaux, et nous sommes à l'extérieur d'un bâtiment angulaire qui pourrait facilement être confondu avec des bureaux ou un entrepôt, voire un supermarché. Il s'agit en fait d'une église, Notre-Dame des Flots, et ce lieu atypique, son curieux design minimaliste et son architecture en briques rouges ont été labellisés « Patrimoine du XXe siècle » ! Quelle est l'histoire qui va avec ?

En 1907, alors que la station balnéaire de Lacanau-Océan était encore toute jeune, l'un des premiers promoteurs immobiliers érigea une petite chapelle en bois, rue de la Paix non loin du bord de mer, pour permettre aux vacanciers d'assister à des messes qui, à partir de 1920, avaient lieu quotidiennement pendant la saison estivale. Bien qu'elle ait été agrandie au fil du temps, la chapelle se révéla finalement trop petite. De plus, elle devait faire face à deux menaces : être engloutie par les dunes de sable et / ou rongée lentement par les termites ! 

La première chapelle dans les dunes. Notons à droite la fenêtre supplémentaire ajoutée suite à son agrandissement. Source photos : delcampe.net
La chapelle fut abandonnée et détruite, et la décision fut prise de construire un édifice plus durable. Un terrain plus important fut acquis par le diocèse de Bordeaux en 1960, l'achat coïncidant avec la création d'une structure paroissiale locale, l'Association Paroissiale de Lacanau-Océan. Pendant cette période de transition, des messes furent organisées sur place en plein air. Mais, vues les fréquentes intempéries, une nouvelle structure temporaire en bois fut bientôt construite sur ce nouvel emplacement.

En 1964, un accord fut ratifié par les représentants de l'archevêque de Bordeaux, le curé de Lacanau et le président de l'Association paroissiale s'engageant à la construction d'une nouvelle église, selon les plans de Patrick Maxwell, Jean-Claude Moreau et Francis Duclos (architectes Agora). Les finances prirent la forme d’un prêt des Chantiers Diocésains de l’Église catholique ; les 220 000 francs allaient devoir être remboursés en 20 versements annuels de 17 000 francs (en faisant le calcul, il est facile de comprendre qu'il y avait des taux d'intérêt conséquents !). Afin de rembourser la dette, la paroisse signait donc pour des années de kermesses, quêtes et collectes, ou de location de l'église comme salle de spectacle. (Elle reste aujourd'hui encore une salle de concert occasionnelle.)

Pose de la première pierre en 1964.
Source photo : fiche historique
disponible dans l'église.
La première pierre fut posée par le cardinal archevêque de Bordeaux Monseigneur Richaud en août 1964. Des contraintes budgétaires conduisirent à des plans revus à la hâte pour le bâtiment, ce qui aboutit peut-être à ce produit relativement rudimentaire livré en 1967. À certains égards, il s'agissait d'une conception modulaire : grâce à l'utilisation de panneaux, une partie chauffée du bâtiment pouvait à l'origine être isolée pour servir de chapelle d'hiver pour les fidèles présents à l'année, tandis que l'espace complet n'était utilisé que lorsque l'église fonctionnait à plein régime pendant la saison estivale, où il pouvait accueillir jusqu'à 600 visiteurs. Le bâtiment comprenait également un petit appartement où les prêtres en résidence pouvaient séjourner.

Mais ces contraintes budgétaires susmentionnées allaient avoir d'autres effets collatéraux dix ans plus tard, quand il fut constaté que la structure en fer n'était que peu adapté à l'air marin, que certains des matériaux n'étaient pas de la meilleure qualité, que le toit était tout sauf étanche et que l'installation électrique devait être remplacée. Le bâtiment subit donc une refonte massive et au cours de la décennie suivante, la paroisse concentra davantage son budget à l'entretien de l'église qu'au remboursement de sa dette.

Brique et mortier.
En 1991, le bâtiment fut grandement embelli par l'installation de quelques vitraux et un émail de Raymond Mirande fabriqués par les verriers Ateliers Dupuy-Fournier, ainsi que par l'ajout d'une mince rangée de vitraux qui longent chaque côté de l'église juste en dessous de la hauteur du plafond. Parmi les principales créations de Raymond Mirande, qui sont positionnées derrière l'autel, la première représente l'arche de Noé, la seconde la Vierge Marie et son fils adolescent, et la troisième comprend une série d'images allant d'une colombe de paix à des représentations de la Pentecôte et de Jérusalem.

Les vitraux et l'émail derrière l'autel, et les vitraux qui longent les deux côtés du bâtiment.
Un des vitraux Mirande. Crédit photo Harvey Morgan (https://avec33.fr/).
La vie de l'église suivit son cours jusqu'en 2000, lorsqu'un rapport de sécurité conclut qu'elle n'était pas aux normes en termes d'ouvertures et ne pouvait raisonnablement accueillir que 200 personnes au lieu de 600 ! La paroisse travailla avec un architecte pour créer des issues supplémentaires afin de permettre à l'église de reprendre ses activités à pleine capacité au cours des premières années du 21e siècle, période notamment marquée par l'attribution, en septembre 2015, juste avant le 50e anniversaire, du prestigieux label « Patrimoine du XXe Siècle ». Hourra !

L'extérieur de l'église, dont la grande entrée principale et, en bas à gauche, l'arrière du bâtiment comprenant l'appartement à l'étage.
L'église n'est généralement pas ouverte au grand public en dehors des messes, mais en visant récemment une arrivée sur place vers midi un dimanche, la porte était encore ouverte et, en compagnie de quelques amis, nous avons pu rentrer et avons été chaleureusement accueillis par deux dames en pleine séance de rangement après la messe du jour. Nous avons fait en sorte de ne pas trop nous attarder mais nous avons trouvé le temps d'admirer les vitraux et une cloche de 330 kilos qui est conservée à l'intérieur et qui était auparavant la propriété d'un couvent à Lyon.

Vue générale de l'intérieur de l'église et la cloche lyonnaise. Remarquez le plafond / toit en tôle ondulée ; le bruit doit être assourdissant lorsqu'il pleut !
Nos hôtes nous ont également conduits spontanément aux dépliants détaillant l'histoire de l'église, car elles ont rapidement précisé qu'il y avait peu ou pas d'informations disponibles sur Internet. Voilà qui est donc réglé par la publication de ce dossier Invisible Bordeaux, rédigé presque exclusivement sur la base des informations d'archives contenues dans un de ces dépliants réalisés par l'Association Paroissiale de Lacanau-Océan. Un grand merci à ces anonymes qui ont ainsi partagé l'histoire de Notre-Dame des Flots… sans aucun doute l'un des lieux de culte les plus intéressants et insolites de la Gironde !

> Localiser sur la carte Invisible Bordeaux : Notre-Dame des Flots, 12 avenue de l'Adjudant Guittard, Lacanau-Océan
> Un grand merci aux deux dames très sympathiques qui nous ont permis de voir l'intérieur de l'église, ainsi qu'aux rédacteurs de la fiche d'information historique éditée par l'Association Paroissiale de Lacanau-Océan dont le contenu a largement alimenté ce dossier ! 
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Une publication intéressante récemment vue sur les réseaux sociaux mettait en avant un clip des années 1970 où l’on voit un aéroglisseur su...

Une publication intéressante récemment vue sur les réseaux sociaux mettait en avant un clip des années 1970 où l’on voit un aéroglisseur sur l’estuaire de la Gironde, assurant la liaison entre Lamarque et Blaye, une ligne que l’on associe plus naturellement aux « bacs ». Il s’agissait d’une découverte pour moi, et c’est en enquêtant sur le sujet que j’ai appris le lien important entre ce mode de transport et la commune de Pauillac. Quel était donc ce lien, et par où commencer ?
 

Le point de départ naturel est l’histoire de l’un des innovateurs français les plus emblématiques de tous les temps, Jean Bertin (1917-1975). Entre autres réalisations, Bertin inventa la technique d'inversion de poussée utilisée par de nombreux avions à réaction pour ralentir à l'atterrissage. Il fut également à l'origine du célèbre concept de train sur coussin d’air, « l'Aérotrain », développé entre 1965 et 1977. À l’époque l’Aérotrain perdit sa bataille contre le TGV, mais n'est pas sans rappeler les projets actuels d'hyperloop qui prennent forme.


 Jean Bertin (source photo : Aéroclub Jean Bertin) et son célèbre Aérotrain. Ainsi qu'une moissonneuse batteuse.

Dès 1955, Bertin fonde sa propre entreprise, Bertin et Cie, et crée au fil des années diverses filiales dédiées à ses différentes innovations. C’est notamment le cas pour le projet Aérotrain, suivi en 1965 par la création de la SÉDAM (Société d'Étude et de Développement des Aéroglisseurs Marins), opérant à Marignane, près de Marseille, avec une usine de fabrication près de Bayonne. La SÉDAM était également axée sur les technologies liées aux coussins d'air et était spécifiquement focalisée sur le développement et la production de ce qui allait devenir sa gamme d'aéroglisseurs amphibies, le « Naviplane ».

Le premier grand livrable de la SÉDAM était un Naviplane de 30 tonnes, le N300. Deux unités furent produites, la Baie des Anges en 1967, configurée pour transporter du fret, puis, l’année suivante, la Croisette, conçue pour transporter jusqu'à 90 passagers. Toutes deux entrèrent en service sur la côte méditerranéenne, faisant la navette entre l'aéroport de Nice, Cannes, Saint-Tropez, Monaco et San-Remo en Italie. La SÉDAM produit également un modèle beaucoup plus petit, le N102, conçu pour transporter deux membres d'équipage et 12 passagers. Ce dernier n'a jamais connu de succès significatif, malgré de nombreux essais commerciaux comme, par exemple, entre la station balnéaire de la Grande Motte et des plages isolées.


Un N300 à Nice (source photo : Reddit) et un N102 au large de la Grande Motte (source photo : Le Maxi-Mottain).


Et voilà qu'en 1971, le N300 Baie des Anges fut acquis par le département de la Gironde et transformé afin d'être utilisé en binôme avec le bac existant pour assurer la liaison entre Blaye et Lamarque, ainsi que pour relier Pauillac et parfois Bordeaux (vers une plate-forme située juste à côté du Pont d'Aquitaine). Il pouvait ainsi transporter quatre véhicules et 38 passagers et il ne lui fallait que cinq minutes pour se rendre d'une rive à l'autre de l’estuaire de la Gironde. Ce Naviplane fonctionna ainsi entre juillet 1971 et décembre 1975, totalisant 20 000 trajets et 4 000 heures de vol.

Pourquoi le conseil départemental est-il revenu à un service basé uniquement sur un bac traditionnel ? Trois facteurs sont facilement identifiables. Premièrement, les nuisances sonores à l'arrivée et au départ du Naviplane, en particulier dans le centre-ville de Blaye, devaient être peu appréciées des riverains. Deuxièmement, le ferry avait une capacité bien plus grande, étant capable de transporter 40 véhicules et 350 passagers. Et enfin, la Baie des Anges a subi quelques incidents malheureux. Dans un cas, la porte avant du Naviplane n'avait pas été correctement fermée en début de traversée. Et lorsque le pilote s’en rendit compte, il freina brusquement. La porte s'ouvrit, l'eau entra à l’intérieur et une Citroën de luxe se retrouva au fond de l'estuaire ! Heureusement, personne ne fut blessé. Puis, lors d'une autre traversée nocturne, l'aéroglisseur entra en collision avec un mât radar stationnaire au large de Lamarque, causant des dommages structurels à l'engin.


Carte postale souvenir (source : Aeromed).

À Lamarque, la Paillote de Steph se trouve désormais là où la Baie des Anges arrivait jadis.
 
Selon divers témoignages, c'est dans cette zone au pied du pont d'Aquitaine que l'aéroglisseur faisait escale à Bordeaux.

Pendant ce temps, en 1973, le SÉDAM avait du mal à joindre les deux bouts mais commença à travailler sur un modèle beaucoup plus important de 260 tonnes, le N500, le plus grand aéroglisseur de passagers de son temps, conçu pour transporter jusqu'à 400 personnes, 55 voitures et cinq autocars à des vitesses allant jusqu'à 70 nœuds (environ 130 kilomètres à l'heure). Deux commandes fermes furent obtenues pour ce projet plus ambitieux, du département de la Gironde (en vue d’assurer la traversée Royan-Le Verdon à l'embouchure de l'estuaire de la Gironde), et de la SNCF (pour la traversée de la Manche). Parmi d’autres pistes commerciales de l’époque, citons la liaison entre Nice et la Corse, ou encore un projet canadien.

Sans doute attirée par l'air revigorant de l'estuaire de la Gironde, en décembre 1975, la SÉDAM déménagea à Pauillac, opérant depuis un grand hangar face à l’estuaire, juste au nord de la ville. C'est donc à Pauillac que commencèrent les travaux du N500, menés par un certain Paul Guienne, qui avait également dirigé les études sur le projet Aérotrain. La SÉDAM démarra la construction des deux premiers Naviplane : le N500-1, pour la commande girondine, fut renommé la Côte d'Argent, tandis que le N500-2 pour la SNCF devait initialement s'appeler la Côte d'Opale, mais fut renommé l'Ingénieur Jean Bertin en hommage à l’innovateur, disparu pendant cette période. Mais la suite n’allait pas être si simple pour les deux N500… 

Le vol inaugural réussi de la Côte d'Argent eut lieu sur l'estuaire en avril 1977. Mais lors d’une séance de travaux de réparation réalisés par des sous-traitants de la SÉDAM le mois suivant (en amont d'une visite ministérielle), une technicienne marcha sur une ampoule qui explosa, mettant le feu à un bidon de dissolvant. L'ensemble de l'engin prit feu et fut totalement détruit en moins d'une heure, tout cela quelques jours avant son inauguration par le prince Charles. Cette fin tragique est détaillée, avec de nombreuses photos d'archives, ici.

L'épave du N500-1. Photo diffusée par l'unité d'investigation et parmi de nombreuses images qui figurent sur l'excellent site internet entièrement dédié aux Naviplane.

Quant à l'Ingénieur Jean Bertin, après un voyage épique de Pauillac à Boulogne-sur-Mer qui dura 25 heures avec de nombreuses escales de ravitaillement le long des côtes de l’Atlantique et de la Manche, il entra en service en 1978 aux couleurs de Seaspeed, la société commune SNCF / British Rail. Il opéra aux côtés de deux aéroglisseurs britanniques SR.N4 « classe Mountbatten », et permettait de traverser la Manche en moins de 30 minutes (dont un record de 22'15" entre Douvres et Calais qui ne fut pas homologué faute d’huissier !).

En 1981, l'Ingénieur Jean Bertin fut repris par la société Hoverspeed (résultat de la fusion entre Seaspeed et Hoverlloyd) et fut largement rénové à la demande de la SNCF, rentrant en service pour une courte période en 1983 avant d'être mis à la retraite, puis abandonné et démantelé sur une plage à Boulogne-sur-Mer en octobre 1985. 

Plus généralement, les lignes aéroglisseurs de la Manche allaient entrer dans une spirale descendante avec l'ouverture du tunnel sous la Manche en 1994. Le dernier aéroglisseur transmanche fut retiré du service en 2000. 


L'
Ingénieur Jean Bertin N500 s'approchant du port de Douvres. Source photo : Wikipedia


Revenons à Pauillac où la SÉDAM allait mal. Le département de la Gironde avait retiré sa seule commande, choisissant de réorienter les fonds vers des besoins jugés plus urgents (infrastructure routière et écoles). De plus, la SNCF n’était pas prête à s’engager sur d’autres commandes, préférant le SR.N4 britannique. Vers la fin des années 1970, l'entreprise fut reprise par les constructeurs navals Dubigeon-Normandie, mais s’effondra pour de bon en 1983, son projet final étant sans doute la rénovation d'un N102 qui avait été acheté de nombreuses années auparavant par un entrepreneur égyptien basé aux Émirats Arabes Unis.

Malgré la disparition de l’entreprise, le hangar de Pauillac hébergeait toujours les deux aéroglisseurs N300 à la retraite, ainsi que quatre N102. Une vente aux enchères eut lieu en mai 1983 et un ferrailleur bordelais acheta les N102. Un restaurateur acquit la Baie des Anges avec l'intention de la transformer en restaurant à Pauillac mais n’obtint pas les autorisations nécessaires. De nouveaux projets de vente n’aboutirent pas et l'appareil resta donc dans l'entrepôt. La Croisette fut rachetée par un ferrailleur de Pauillac mais resta également sur place. Fin 1983, les deux furent ferraillés et l'histoire du SÉDAM se termina dans l’indifférence.

Alors, que reste-t-il aujourd'hui de l'histoire de la SÉDAM et de ce chapitre pauillacais ? À Pauillac, l'entrepôt SÉDAM est désormais utilisé par la société vinicole Baron Philippe de Rothschild pour le stockage de ses marchandises avant distribution dans le monde entier. Face à l’imposant hangar et du vaste espace qui est désormais un parking (lieu de l'incendie fatidique de 1977 qui a détruit le N500-1), une grande plate-forme en béton rappelle l'endroit exact où les aéroglisseurs se lançaient sur l'estuaire. 

 Grâce à l'excellent site Remonter le Temps de l'IGN, il est tout à fait possible de redécouvrir la configuration d'antan. Nous voici en 1976 avec ce qui pourrait être deux N102 stationnés devant le hangar.

Et voici la même vue en 1977... avec un N500 solitaire, sans doute l'Ingénieur Jean Bertin.

De ces N102 repris par le ferrailleur bordelais, deux furent récupérés ces dernières années à Villenave d’Ornon par un groupe de passionnés en vue de les rénover et de les restaurer. Cette aventure est racontée en détail ici mais, pour résumer, retenons que les deux épaves furent transformées en un Naviplane N102 tout beau qui est aujourd’hui fièrement exposé en permanence à l'extérieur du château de Savigny-lès-Beaune en Bourgogne, comme le montre clairement la vue satellite de Google de la zone ci-dessous à droite !

Source photo de gauche : hangarflying.eu

Enfin, alors que l'utilisation des aéroglisseurs pour transporter de grands nombres de passagers est moins répandue de nos jours (à quelques exceptions près, comme sur la liaison entre Portsmouth et l'île de Wight), la technologie continue de faire ses preuves dans des situations militaires complexes ou pour faire face à des reliefs accidentés où aucun autre type d'engin n'est capable d'opérer. Et, qui sait, il pourrait un jour faire son grand retour, y compris en Gironde où le sujet revient souvent comme une solution potentiellement efficace pour relier le centre de Bordeaux à Blaye et la pointe de l'estuaire !

 

En attendant, l'intérêt pour les aéroglisseurs a tout sauf diminué. De nombreux clips d'archives sont à retrouver sur Youtube, il existe un formidable site entièrement dédié aux Naviplane, et en cette ère des réseaux sociaux, vous pouvez même trouver une page Facebook qui ne parle de rien d'autre que du Naviplane N500 Ingénieur Jean Bertin !

 

Foncez donc vers Google, faites un tour sur naviplane.free.fr et explorez par vous-même le monde étrange et merveilleux de l'aéroglisseur, dont le vrombissement alors futuriste fut, pendant les années 1970, un bruit récurrent sur les rives de l'estuaire de la Gironde !


> Localiser sur la  la carte Invisible Bordeaux : Former SEDAM hovercraft factory, Pauillac; Bac Lamarque-Blaye ferry port, Lamarque; Bac Blaye-Lamarque ferry port, Blaye.
> Beaucoup d'informations dans ce dossier sont issues de l'excellent site naviplane.free.fr website, dont la découverte est fortement conseillée !
> Source photo en début d'article: Aeromed
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Invisible Bordeaux s'est récemment procuré une série de cartes postales montrant les différentes étapes d'un cortège funèbre dans le...


Invisible Bordeaux s'est récemment procuré une série de cartes postales montrant les différentes étapes d'un cortège funèbre dans les rues du centre-ville de Bordeaux au début du XXe siècle. Ces photos montrent d'énormes foules le long du parcours, ainsi que de nombreuses personnes regardant également par les fenêtres et depuis les balcons pour rendre hommage à la dépouille. Quel était donc ce grand événement ? Il s'agissait en fait du dernier adieu de la ville au cardinal Victor Lecot. Mais qui était donc ce cardinal Lecot et pourquoi ses funérailles ont-elles généré un tel engouement ?

Victor Lucien Sulpice Lecot (ou Lécot) naquit en janvier 1831 dans le nord-est de la France. À 24 ans, il devint prêtre à Compiègne, au nord de Paris, avant d'être ordonné évêque de Dijon en 1886. En juin 1890, il fut nommé archevêque de Bordeaux, à une époque où l'Église catholique est plus forte que jamais dans la ville, avec de nombreuses nouvelles congrégations se rassemblant dans tous les quartiers (il consacre notamment l'église Saint-Louis-des-Chartrons en 1895). L'influence de l'Église s'infiltrait même dans la presse à travers la publication du Nouvelliste de Bordeaux et du Sud-Ouest, réputé pour ses tendances royalistes et anti-républicaines !

Lecot resta archevêque de Bordeaux jusqu'à sa mort mais fut également élevé cardinal en 1893 par le pape Léon XIII et nommé cardinal-prêtre à la basilique Santa Pudenziana à Rome l'année suivante. Il était l'un des membres du conclave qui élit Pie X, et était lui-même légat papal lors des célébrations tenues à Lourdes en 1908 pour marquer le cinquantième anniversaire des apparitions supposées de la Vierge Marie à Bernadette Soubirous.

En France, le début du XXe siècle fut une période tumultueuse, avec la scission officielle entre l'Église et l'État (et le début du statut laïque de la République française) intervenant en 1905 après 25 années de débats acharnés opposant différents ponts de vue sur le rôle de l’Église. Comme vous pouvez l'imaginer, Lecot soutenait le maintien des liens étroits entre l'Église et l'État, faisant parallèlement tout son possible pour éviter toute forme de conflit, même s'il était impuissant face aux nombreuses manifestations houleuses qui rythmèrent ces années.

Les tensions étaient encore vives lorsque Lecot mourut le 19 décembre 1908 à Chambéry, dans l'est de la France. Et ses obsèques eurent donc lieu onze jours plus tard, le 28 décembre, à Bordeaux. Les autorités savaient que le cortège funèbre attirerait des milliers de personnes mais aussi, vu le contexte, que l'événement pourrait facilement provoquer des incidents.

En haut - Le cortège funèbre sur la place de la Comédie. En bas - Le corbillard tiré par des chevaux.

Le récit le plus complet est signé par une certaine Annie Ribette et est à découvrir sur le site des Cahiers d’Archives. Ribette précise que l'édition du lendemain du Nouvelliste rapportait que près de 2 000 hommes (militaires et gendarmes) étaient en position à partir de sept heures du matin pour maîtriser les foules le long du parcours du cortège funèbre et empêcher les intrus de s'y infiltrer (un laissez-passer dédié était nécessaire pour rejoindre les rangs de la procession).

Le dossier d'Anne Ribette contient de nombreux documents d’archives, dont ce laissez-passer officiel qui annonce « la levée du corps à neuf heures du matin dans l’église Notre-Dame ». La fameuse série de cartes postales nous montre que le cortège se dirigea ensuite vers la place de la Comédie et le long du cours de l'Intendance, avant de descendre la rue Vital-Carles (où se trouvait l'ancienne résidence officielle de l'archevêque de Bordeaux, devenue alors la résidence du préfet de Gironde, source de tensions palpables...) puis de rejoindre la place Pey-Berland, sans doute avant de finir à la cathédrale Saint-André, bien qu'on ne sache pas si les restes de Lecot ont été immédiatement déposés à la tombe où il repose encore aujourd'hui.  


En haut - Le cortège avance sur le cours de l'Intendance, sous les yeux de nombreux spectateurs regardant depuis les fenêtres et les balcons. En bas - La Garde suisse pontificale était présente.

Le nombre de personnes présentes le long de la route pour rendre hommage à Lecot est estimé à 50 000. Les mesures strictes de sécurité firent l'objet de nombreuses critiques. Annie Ribette reprend notamment un extrait d'un article du journal politique d'union socialiste et révolutionnaire La Bataille, qui parle d'un véritable « état de siège » à Bordeaux :  « 50 000 personnes venues de tous les points de Bordeaux et de la région ont été empêchées de saluer la dépouille mortelle du Cardinal de Bordeaux. Les troupes qui barraient les rues avaient reçu l’ordre de tourner le dos au cortège… On pouvait se dispenser de rendre les honneurs sans empêcher le public d’assister aux funérailles. » Le journal précise par ailleurs que la République ne salua aucunement le cardinal défunt car « depuis la loi de séparation, les prélats, n’ayant aucun caractère officiel, n’ont plus droit aux honneurs rendus jadis en vertu du décret de l’an XII. Les troupes disposées en dehors de l’itinéraire n’étaient là que pour assurer l’ordre. »


Le cortège se déplace sur la place Pey-Berland. 

Même sans cette reconnaissance républicaine, la portée historique de l'événement n'échappa à personne. De nombreuses demandes d'autorisation furent déposées en vue de capturer l'événement sur pellicule en cette ère des débuts de la cinématographie. D'ailleurs, en regardant de près les images de la procession de la place de la Comédie, on ne peut être que frappé par le nombre de photographes et cinéastes présents. Mais au-delà des images fixes telles que celles présentées ici, combien d'images de cette couverture cinématographique ont survécu jusqu'à nos jours ? 


Les photographes et cinématographes assemblés place de la Comédie.

Et quelles traces subsistent du cardinal Lecot lui-même dans la ville ? Bien sûr, le mémorial le plus symbolique et le plus important n’est autre que la tombe monumentale du cardinal à l’intérieur de la cathédrale Saint-André. Son prénom a également été donné à l'église Saint-Victor, rue Mouneyra, une église fondée en 1905 alors que Lecot était encore archevêque de Bordeaux, bien que l'édifice actuel ait été construit durant la période de la Seconde Guerre mondiale et finalement consacré en 1947. Enfin, une rue porte son nom à Bordeaux et il y a même un arrêt de bus "Cardinal Lecot" à Blanquefort, signe de reconnaissance amplement mérité pour ce grand homme. Il y a bien une explication : l'arrêt se trouve près de là où se trouvait jadis le château viticole de Gilamon (devenu le... château Larchevesque), à savoir la propriété et lieu de résidence de Lecot suite à son départ de la rue Vital-Carles. 

Ci-dessus - Le cardinal Lecot repose en paix dans la cathédrale de Bordeaux.

Ci-dessus - l'église Saint-Victor, rue Mouneyra. Ci-dessous - L'hommage ultime, un arrêt de bus à Blanquefort.

Et, bien sûr, il reste ces images incroyables de la ville, montrant des scènes que Bordeaux a peu de chances de revoir de si tôt... et des scènes qui à elles seules ne racontent pas toute l'histoire !

> Localiser l'église Saint-Victor sur la carte Invisible Bordeaux : rue Mouneyra, Bordeaux.
> Source photo du cardinal Lecot : Wikipédia
> Comme ce l'est précisé plus haut, le récit le plus complet de cet événement est à retrouver sur le site internet des Cahiers d'Archives website
> This article is also available in English!

« From punk to funk ! » Pour ce nouvel épisode du podcast Invisible Bordeaux Music nous partons à la rencontre de Martial qui, avec son com...



« From punk to funk ! » Pour ce nouvel épisode du podcast Invisible Bordeaux Music nous partons à la rencontre de Martial qui, avec son compère Babouche, est aux manettes du disquaire indépendant Total Heaven.

Il nous explique comment le métier de disquaire a évolué au cours des dernières années, quels sont les secrets de la longévité de Total Heaven, ou encore comment le magasin s’inscrit dans le paysage de la scène musicale bordelaise. Martial revient aussi sur quelques showcases mémorables et dévoile même l’histoire de la magnifique et célèbre fresque murale de la devanture de la boutique !

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> Martial évoque le Disquaire Day 2025 qui aura donc lieu le samedi 12 avril. À ne pas manquer !


La célèbre devanture, rue Candale à Bordeaux.


Martial aux manettes !

Le clip de « Lùlù » par Lùlù !


Et... introducing la playlist Spotify Invisible Bordeaux Music, intégrant des titres signés des artistes qui ont participé au podcast Invisible Bordeaux Music... aux côtés de diverses chansons évoquées au passage par les interviewés !