Il est 11h30 le samedi 2 juillet 1988, au fin fond de la zone maraichère d'Eysines, et le calme ambiant est rompu par le bruit d'un ...

Le jour où un avion militaire ouest-allemand s'est écrasé dans les champs d'Eysines

Il est 11h30 le samedi 2 juillet 1988, au fin fond de la zone maraichère d'Eysines, et le calme ambiant est rompu par le bruit d'un avion de transport militaire C-160D Transall s'écrasant au sol. Par miracle, les six personnes à bord ont toutes survécu. Que s'est-il passé ? 


L'appareil appartenait à l'armée de l'air ouest-allemande. Il avait décollé plus tôt ce matin-là de Landsberg, près de Munich, et faisait partie d'une flotte qui se rendait à Mérignac en vue de récupérer des parachutistes allemands qui venaient de terminer des exercices aux côtés de leurs homologues français au Camp de Souge à Martignas-sur-Jalle. 

Un Transall C-160 moderne de l'armée de l'air allemande, comme celui impliqué dans l'accident. Ce type d'appareil est actuellement en cours de retrait en France et en Allemagne et est remplacé par l'Airbus A400M Atlas. Source photo : Wikipedia.
En atteignant le département de la Gironde, le Transall était entré dans sa phase d'approche lorsque le pilote s'est rendu compte que le moteur gauche s'était arrêté. L'avion étant pratiquement en plané et perdant rapidement de l'altitude, il s'éloigne de la trajectoire de vol et, dans l'espoir d'éviter les zones habitées, se dirige vers l'ouest, vers les plaines maraîchères d'Eysines, en vue d'un atterrissage d'urgence. 


Cependant, le train d'atterrissage étant maintenant en place et l'avion volant à seulement quelques mètres du sol, un obstacle inattendu et indésirable est apparu : des lignes électriques à haute tension. Il n'y avait aucun moyen de s'élever au-dessus des câbles, le pilote a donc tenté de guider l'avion en dessous. C'est alors que les roues de l'avion ont heurté les berges de la jalle, le ruisseau qui traverse le cœur de la zone maraîchère d'Eysines, et que l'avion s'est tordu et a tourné sur une courte distance avant de se briser et de s'arrêter brutalement, non loin de là où se trouve aujourd’hui le parking relais Cantinolle de la ligne D du tram. 

 

Photo aérienne créditée à Caroline Marmolat (depuis un hélicoptère Airlec) parue dans l'édition du lundi 4 juillet 1989 de Sud Ouest, comportant une ligne pointillée indiquant la trajectoire de l'appareil, et l'échangeur d'Eysines-Cantinolle en arrière-plan. Source : archives Sud Ouest.
 
La même zone aujourd'hui, notez la jalle sur la gauche, et les câbles haute tension vers la droite de l'image.

Quatre des six membres de l'équipage ont pu immédiatement s'extraire de l'épave, les deux autres ont dû être dégagés par les services de secours. Tous ont été transportés à l'hôpital Pellegrin de Bordeaux, où il a été rapidement établi que trois d'entre eux étaient sortis indemnes de l'épreuve, tandis que les trois autres - bien que considérés initialement comme « grièvement blessés » - ne souffraient finalement que de quelques fractures. Dès le lendemain, ils ont pu aider les enquêteurs dans leurs investigations. Pendant ce temps, les 48 parachutistes qui devaient rentrer chez eux ont sans doute été secoués en apprenant la nouvelle, se demandant ce qui aurait pu se passer si l'avion avait été entièrement chargé lorsque le moteur défectueux s'est arrêté. 


Le surlendemain, le quotidien Sud Ouest a publié une interview d'un certain Pierre-Élie Baron, qui était parmi les premiers sur les lieux de l'accident : « J’ai vu passer l’avion à très basse altitude, juste au-dessus de la cime des arbres. Il avait un moteur arrêté car l’hélice gauche ne tournait pas. Il y a eu un bruit sourd et j’ai compris qu’il s’était écrasé. J’ai sauté sur mon vélo et j’étais sur l’accident en même temps que les gendarmes qui patrouillaient aux grottes de Majolan. » L'après-midi aura donc été plus chargée que prévu pour les gendarmes affectés au parc Majolan de Blanquefort, réputé pour sa tranquillité…

 

Couverture de l'accident par Sud Ouest, notamment l'interview de Pierre-Élie Baron. Photos créditées à Caroline Marmolat et Guy Martineriq (?). Source : archives Sud Ouest.

Monsieur Baron : « Un des pilotes avait été éjecté. Je lui ai demandé combien ils étaient dans l’avion et il m’a répondu en allemand. Il était dans le cirage, le pauvre ! Il y avait des gars coincés mais aucun ne gémissait ou ne criait. C’était impressionnant ! »


Le maraîcher Francis Barrière, propriétaire du terrain où l'avion s'est écrasé, a également été interviewé : « Le matin même, je labourais à 50 mètres de là. C’est un miracle qu’il n’y ait eu personne dans les jardins à ce moment-là… » ”


Si l’issue était si favorable, c'est en grande partie grâce au travail exemplaire des services de secours, qui ont été rapidement sur les lieux et ont fourni une réponse efficace et efficiente. Cette action a été saluée un peu plus tard, le 7 mars 1990, à la caserne des pompiers d'Ornano, dans le centre de Bordeaux, lorsque 16 membres des services de secours ont reçu des distinctions de mérite des militaires allemands, en présence du maire de Bordeaux, du consul d'Allemagne et de divers représentants de la Bundeswehr. La cérémonie officielle a été suivie d'un pot de l’amitié organisé par les autorités allemandes, qui ont fourni des quantités (apparemment importantes) de bière aux 300 convives, dont les six membres de l'équipage du Transall. 


Un post-scriptum positif donc pour cet accident d'avion à la fin heureuse... d'autant plus émouvant qu'il s'est produit six mois après que le vol AF1919 Bruxelles-Bordeaux se soit écrasé à deux kilomètres de là, toujours à Eysines, entraînant la mort des 16 personnes à bord. La fin des années 1980 a manifestement été une période à part dans le ciel d'Eysines. 

 

> Localiser sur la carte Invisible Bordeaux : Site of 1989 Transall C-160D plane crash, Eysines

> Ce dossier a pu être rédigé grâce aux ressources disponibles dans l'excellente rubrique Archives du journal Sud Ouest.

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